Maladie de Crohn et Rectocolite hémorragique (RCH): Gros plan sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin
Rencontre avec Nathalie Gonzalez, déléguée départementale de l’AFA Crohn-RCH (maladie de Crohn et RCH).
Pouvez-vous nous présenter l’association François Aupetit ?
L’association François Aupetit, ou AFA Crohn-RCH, est à ce jour l’unique organisation reconnue d’utilité publique et agréée par le Ministère de la santé. Elle se consacre au soutien des personnes touchées par des MICI (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin) dont les principales sont la maladie de Crohn et Rectocolite hémorragique (RCH). L’association porte le nom de Jeanine Aupetit, sa créatrice, et de son fils François Aupetit, touché par la maladie de Crohn.
Les MICI, qu’est-ce que c’est ?
Les MICI sont des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, dont les plus connues sont la maladie de Crohn et la RCH. Elles se caractérisent par l’inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, qui est source de lésions à sévérité variable. Dans la maladie de Crohn, l’inflammation peut être localisée dans tout le tube digestif, de la bouche à l’anus, le plus souvent au niveau de l’intestin. Dans la RCH, l’inflammation est localisée au niveau du rectum et du colon.
Quels sont les différents symptômes associés à ces maladies ?
Les MICI se manifestent par poussées en alternance avec des périodes de rémission, bien que certains malades n’aient jamais de rémissions. Les symptômes se traduisent par des fortes douleurs au ventre ; une envie d’aller aux toilettes, parfois 10 fois par jour avec impossibilité de se retenir ; une fatigue extrême ; un manque d’appétit et pour certains des pertes de poids importantes.
Quand les gens sont en poussées et qu’ils mangent toujours la même chose (régime sans résidus), cela peut entraîner des carences (fer, magnésium…), sans parler de la dénutrition pour ceux qui ont été opérés et à qui on a ôté une partie de l’intestin, dans ce cas ils peuvent avoir une supplémentation alimentaire pour les vitamines B12, A, E, D…).
Les MICI sont-elles facilement diagnostiquées aujourd’hui ?
Le diagnostic d’une maladie de Crohn ou d’une RCH repose sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques. Il n’y a aucun test aujourd’hui qui permet à lui-seul d’affirmer le diagnostic. Donc prises de sang, examens radiographiques et /ou endoscopiques, scanners, IRM, biopsies… font partie des différents examens complémentaires. Dans certains cas, malgré ces examens, le diagnostic ne peut toujours pas être porté avec certitude lors de la première poussée. C’est alors l’évolution qui permettra de trancher. De fait il y a beaucoup de malades aujourd’hui qui sont diagnostiqués au bout de six mois, un an, voire plus, même si cela va en s’améliorant.
Concernant l’âge du diagnostic, on a déterminé que la maladie se déclarait à peu près entre 15 et 30 ans. Mais d’autres sont beaucoup plus jeunes ou beaucoup plus âgés.
Que sait-on concernant la cause de ces maladies ?
Aujourd’hui il n’y a aucune cause de MICI vraiment identifiée. Il y a plusieurs gènes de susceptibilité mais aussi des facteurs environnementaux qui sont suspectés, ainsi que des modifications de la flore intestinale (aussi appelée microbiote). Le rôle d’un facteur alimentaire n’a jamais été confirmé, bien qu’on imagine que l’alimentation est quelque chose d’important chez tout le monde. Ce ne sont pas non plus des maladies psychosomatiques, c’est très important de le souligner. Beaucoup trop de malades culpabilisent en se disant : « C’est dans ma tête ». Même si des facteurs psychologiques peuvent moduler l’évolution, mais comme tous les gens qui sont atteints d’une pathologie. À du moment où vous avez une pathologie, que ce soit un problème d’intestin, de dos ou autre, les événements extérieurs et notamment les sources de stress peuvent avoir un impact là où il y a une faiblesse. Mais quand les gens sont malades, ce n’est pas dans la tête. Il faut vraiment démentir car cela reste bien ancré.
Quelle est l’évolution de ces maladies ? Quels en sont les traitements ?
Ces deux maladies ne se guérissent pas. Il peut y avoir des rémissions mais pas de guérison.
Les traitements des MICI sont, à court terme, quand la maladie est en poussée, de mettre fin le plus vite et le plus complètement possible aux symptômes, donc avec un traitement d’attaque. À moyen et long terme, cela consiste à maintenir l’absence de symptômes et aussi à obtenir la cicatrisation complète des lésions intestinales et de toute forme d’installation (traitement d’entretien). Certains traitements dit « immunosuppresseurs » ou « biologiques » parviennent souvent à ce résultat. Il y a aussi les corticoïdes même si on évite de les donner au long court, les biothérapies (ou Anti-Tnf alpha) … et d’autres qui arrivent sur le marché. Dans le cas où aucun traitement ne fonctionne, on peut avoir recours à la chirurgie, qui n’est pas curative mais qui peut soulager les malades.
Où en est-on en matière de recherche ?
L’AFA soutient la recherche contre les MICI avec le financement de bourses. De nombreuses études sont en cours sur le rôle de l’environnement, la pollution, les additifs alimentaires, les effets des antibiotiques durant l’enfance, l’hygiène de vie dans les pays industrialisés – c’est une maladie qui touche beaucoup plus les pays industrialisés que les pays émergents. On commencerait à en voir en Afrique mais cela reste rare et peut être lié à l’expatriation.
Combien de personnes sont touchées en France ? Et dans le Monde ?
Il y a 5 millions de personnes touchées dans le Monde, dont 3 millions en Europe, 250 000 en France, et 20% sont des enfants (moins 18 ans). Et on estime qu’il y a en France une personne diagnostiquée toutes les heures. Sachant que la proportion est légèrement plus élevée pour les maladies de Crohn que les RCH.
Y a-t-il des préjugés particuliers associés à ces maladies ?
Le caractère imprévisible des poussées entraîne parfois les malades à s’isoler socialement. Ils hésitent à parler de la maladie à leur entourage, d’où une méconnaissance du public. Ce n’est pas une maladie glamour, sans parler des personnes qui doivent porter une poche, ce qui est très difficile à vivre chez des jeunes patients notamment. Souvent on observe deux types de réactions : dans la majorité des cas une mauvaise compréhension du sujet avec une perception dévalorisante des malades parfois qualifiés de tire-au-flanc ; et puis une petite partie de personnes plus compréhensives. Mais comme c’est une maladie qui ne se voit pas, les autres ne se rendent pas forcément compte que l’asthénie est réelle et que ce n’est pas une maladie banale. Certaines personnes peuvent travailler avec une maladie de Crohn ou une RCH, d’autres sont en invalidité tellement elles sont contraignantes.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Rendez-vous sur le site internet de l’AFA pour en savoir plus : www.afa.asso.fr . Vous y trouverez également une web tv avec notamment une série appelée : « MICI, mode d’emploi ». Initiée par l’AFAfa et AbbVie, cette nouvelle web série vise à vulgariser le sujet des MICI afin de sensibiliser le grand public. À travers des épisodes courts et humoristiques, les acteurs et youtubeurs retracent le quotidien des personnes atteintes de ces maladies. De l’acceptation aux contraintes alimentaires en passant par les relations amoureuses, tous les sujets sont évoqués. La deuxième saison a été lancée et vous pouvez également la voir sur la chaine Youtube : http://urlz.fr/6A7o
Propos recueillis par Caroline Madeuf
L’AFA Crohn-RCH
L’AFA Crohn-RCH est une association de malades de Crohn et Rectocolite hémorragique et de proches, qui compte plus de 200 bénévoles présents partout en France, dans les délégations régionales en métropole et dans les DOM-TOM. Ces délégations sont épaulées par 12 permanents et des vacataires spécialisés.
– L’AFA propose des permanences d’écoute, mais aussi les services d’assistantes sociales, de parrains d’emploi, des conseils juridiques et en assurance, et des conseils de diététiciennes.
– Elle communique des informations validées sur les maladies, les traitements, l’alimentation, les droits… via son site internet et ses brochures.
– L’AFA propose application mobile qui délivre des conseils pratiques et permet notamment de localiser les toilettes les plus proches, les professionnels utiles dans le quotidien du malade.
– Une plateforme baptisée « Miciconnect » a également été lancée en mars 2017 sur le site : www.miciconnect.com. C’est un outil totalement innovant qui permet aux malades d’obtenir une information et un accompagnement personnalisé, en suivant certains indicateurs de la maladie (score d’évolution, de fatigue, qualité de vie…) et d’assurer un suivi en lien avec ses professionnels de santé.
– L’AFA a un comité scientifique. Elle a aussi pour mission d’accélérer la recherche pour la guérison. Donc elle finance pour cela des bourses de recherche. Elle a ainsi lancé l’Observatoire des MICI afin de mieux connaître ces maladies, trouver des pistes de recherche, établir des facteurs de risque et porter la voix des malades pour améliorer leur qualité de vie.
– L’AFA organise aussi des rencontres de malades (et leurs proches) avec des professionnels de santé, des stages d’éducation thérapeutique pour tous les âges et partout en France.
– Beaucoup d’événements sont par ailleurs organisés dans chaque région : ateliers cuisine, sophrologie, rencontres entre malades, tables rondes…
– Chaque année a lieu une opération appelée « Montrons ce que nous avons dans le ventre » avec de nombreuses manifestations organisées (événements sportifs, concerts…) dans toute la France entre septembre et décembre. Objectif : Faire changer les regards sur ces maladies tabous.
– Autre événement : La journée mondiale des MICI – Maladie de Crohn et Rectocolite hémorragique (RCH) qui a lieu chaque 19 mai.