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Mise en accessibilité des ERP : L’état des lieux de Brigitte Thorin

Mise en accessibilité des ERP : L'état des lieux de Brigitte Thorin
Branly – Spot 2 – PC
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Où en est la mise en accessibilité des ERP français ? L’analyse de Brigitte Thorin, déléguée ministérielle à l’accessibilité

C’est la loi de 2005 qui a introduit avec force et ambition la mise en accessibilité des ERP comme une norme incontournable de notre société. Mais sur les équipements existants à cette date, ce qui devait être fait en 10 ans n’a réellement démarré qu’au bout de 10 ans. Brigitte Thorin, déléguée ministérielle à l’accessibilité, nous explique le cheminement de 15 années de cette politique avec ses manques, ses succès et ses perspectives.       

  • Le volet accessibilité de la loi de 2005 remanié en 2014 par la mise en place des *Ad’Ap a-t-il atteint ses objectifs ?
    Dans un premier temps, ce que je souhaite souligner, c’est que la loi de 2005 a d’une part exigé que tout nouvel équipement soit conçu et réalisé accessible, ce qui a parfaitement été mis en œuvre, et d’autre part, a donné un délai de 10 ans pour la mise en accessibilité des ERP et des réseaux de transport existants. C’est sur ce rattrapage de l’existant que les difficultés ont porté.

La dynamique a cependant été enclenchée à partir de 2005 sur l’existant, et si le mouvement a été un peu plus ample dans le domaine des transports que celui des établissements recevant du public, il s’est tout de même passé pas mal de choses entre 2005 et 2015. Mais la loi de 2005 a été modifiée fin 2014 pour tenir compte de la réalité mesurée entre 2013 et 2014, qui montrait que dans le domaine des transports nous avions encore beaucoup à faire et que dans le domaine des établissements recevant du public nous avions encore quasiment tout à faire. À l’époque, seuls 50 000 ERP s’étaient conformés à l’obligation d’accessibilité. En 2005, l’étendue des besoins avait été mesurée avec un niveau d’exigence élevé. La réalité c’est que dans l’hiver 2013-2014 nous nous sommes rendu compte qu’il fallait encore du temps et encore des dispositifs pragmatiques pour atteindre l’objectif toujours en vigueur prôné par la loi de 2005, à savoir la mise en accessibilité des ERP et des réseaux de transports existants. Le domaine des transports fait intervenir de nombreux interlocuteurs qui doivent se coordonner pour créer une chaine d’accessibilité parfaite conjuguée avec le renouvellement du matériel roulant. Les investissements étaient considérables et donc lissés sur une période qui allait au-delà des 10 ans prévus par la loi.
Pour les ERP, la situation était légèrement différente car leur nombre approchait le million avec à la clé des investissements importants.





La loi de 2005 manquait surtout d’un dispositif de suivi qui est arrivé fin 2014 avec la création de l’agenda d’accessibilité programmé (Ad’Ap) pour les ERP existants et le Schéma Agenda d’accessibilité programmé dans le domaine des transports (SD’AP). Ces deux nouveaux outils se sont ajoutés à des ajustements normatifs pour tenir compte de la réalité du terrain. Quand il y a des impossibilités techniques avérées, la loi demande malgré tout de mettre en place des mesures de substitution pour au moins permettre un accès facilité aux prestations, mais avec des investissements raisonnés. Ce qu’il faut retenir, c’est que ces deux dispositifs que sont Ad’Ap et Sd’AP s’appliquent en échange d’un engagement de faire un diagnostic, un plan d’action puis des programmes de travaux avec un engagement sur la mise à disposition de ressources financières. Pour les gestionnaires d’ERP, l’engagement dans un Ad’Ap permet d’échapper au risque pénal durant le temps de l’Ad’AP car l’obligation légale est toujours d’actualité.

  • Le dispositif des Ad’Ap et *Sd’Ap a-t-il convaincu les plus réticents de se mettre en conformité pour la mise en accessibilité des ERP ?
    Ce dispositif a incontestablement montré son efficacité si l’on tient compte du fait que la quasi intégralité des autorités organisatrices des transports l’ont déposé alors qu’il était d’application volontaire, et qu’avant la mise en place des Ad’AP, et ceci en 10 ans, seuls 50 000 ERP s’étaient rendus accessibles. Durant la période 2015-2019, soit après sa mise en œuvre, 690 000 ERP sont entrés dans la démarche. S’il s’agit des ERP de toutes catégories, les ERP de 5e catégorie sont cependant sous-représentés car étant plus petits avec de faibles moyens financiers. Ils ont encore besoin de notre soutien. L’État leur apporte ce soutien pour les embarquer dans la démarche de mise en accessibilité des ERP même s’il n’est plus possible des déposer un dossier Ad’Ap depuis fin mars 2019. Aujourd’hui les ERP du quotidien qui n’ont pas déposé leur Ad’Ap doivent toujours se rendre accessibles car ils ne sont pas exonérés de leurs obligations et restent sous risque pénal depuis 2005 et sous le coup de sanctions administratives (financières) depuis 2015. Les dossiers Ad’Ap déjà déposés continuent, eux, leur chemin et seront suivis et contrôlés jusqu’à terme.

  • Que va-t-il se passer pour ceux qui n’ont pas déposé de dossier Ad’Ap ?
    Ceux qui refuseraient notre soutien, ou manifesteraient leur intention de ne pas faire, seront sous le coup de sanction pour non dépôt d’Ad’Ap et devront malgré tout se conformer aux obligations de la loi. Mais cette fois-ci en déposant une demande d’autorisation de travaux de mise en conformité totale, avec le cas échéant des demandes de dérogation. Ceux qui auront reçu un courrier de relance leur indiquant le non-respect de la loi dont ils font preuve, et qui s’engageront par retour sur un plan de travaux sur quelques mois, ne seront pas sanctionnés, mais nous contrôlerons avec précision la réalisation de ces travaux. Les autres seront sanctionnés à hauteur de 1500 euros. Nous n’avons pas de problème avec le suivi des ERP de 1e, 2e, 3e et 4e catégorie car ils sont répertoriés par les services de sécurité incendie. Ceux de la 5e catégorie, en dehors des hôtels, ne font pas l’objet d’un recensement exhaustif mais nous avons quelques indications qui nous laissent penser qu’ils sont plus nombreux que ce que l’on pensait en 2013-2014. Nous avons à l’évidence encore autant de ces petits ERP à mobiliser que ce qui a déjà été fait.

  • Pourquoi certains gestionnaires d’ERP n’ont-ils pas déposé d’Ad’Ap ?
    Nous avons fait beaucoup de communication, de sensibilisation, d’information, d’accompagnement et cela pour tous les ERP de toutes catégories, et force est de constater que si ces actions ont porté leurs fruits sur les ERP de 1e à 4e catégorie, autant on doit se poser des questions sur la nécessité d’avoir une action spécifique sur ceux de la 5e catégorie, qui sont de petites structures ne disposant pas forcément de ressources humaines et techniques pour gérer un projet de ce type. Les seules personnes qui peuvent les aider sur ces démarches technico-administratives, ce sont les comptables, qui eux non plus ne sont pas forcément spécialistes, ni même portés sur la veille juridique. Beaucoup de gestionnaires d’ERP n’ont pas compris la démarche à suivre et parfois ce en quoi ils étaient concernés. Ils ont parfois surestimé l’ampleur de ce qui leur était demandé et fantasmé le coût des travaux, ce qui les a amenés à faire le dos rond. Un certain nombre d’entre eux se sont fait abuser par des sociétés éphémères créées uniquement pour prendre de l’argent et disparaître. Les méthodes très intrusives de ces sociétés sans scrupule ont contribué à saper notre travail et c’est pourquoi nous souhaitons encore plus les accompagner. Le premier outil que nous mettons à leur disposition est un dossier d’autorisation de travaux simplifié avec un tutoriel pour les aider à faire leur diagnostic, leur plan d’action et leur demande d’autorisation de travaux et de dérogation le cas échéant.
  • Quelles sont les dérogations les plus demandées ?
    Ces dérogations ont été prévues dès la loi de 2005. Aujourd’hui il y en a quatre sortes. Les plus déposées sont celles relatives à une impossibilité technique ou une disproportion manifeste. Cette dernière est demandée lorsque l’investissement est de nature à mettre en danger la santé financière du commerce par exemple. Viennent ensuite les dérogations pour la préservation du patrimoine et, enfin, le refus de la copropriété de réaliser les travaux de mise en accessibilité.

  • Les collectivités, comme l’État sont-elles exemplaires en la matière ? 
    Oui on peut le dire car la quasi totalité des services de l’État comme des collectivités ont déposé leur Ad’Ap en temps et en heure et ils sont en train de mettre en œuvre le programme prévu dans leur dossier Ad’Ap. Pour donner un exemple, même si une préfecture ou une mairie n’est pas encore accessible, cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas dans le mouvement d’un Ad’Ap. Il faut donc se méfier quand on attaque les collectivités pour justifier ses propres manques. Entre le début et la fin de l’Ad’Ap, il peut se passer jusqu’à 9 ans. Les collectivités territoriales qui n’ont pas déposé d’Ad’Ap sont celles qui avaient des travaux engagés avec une mise en conformité prévue. Il en reste encore quelques unes qui sont la plupart du temps de toutes petites communes sans moyens et qui ont moins de 500 habitants. Elles font aussi l’objet d’une politique de soutien. 

  • Qui vérifie que les normes ont bien été respectées ?
    Cela se fait au moment des demandes d’autorisation de travaux successives et à la fin des travaux. Il faut envoyer une attestation d’achèvement des travaux qui garantit la bonne réalisation de ceux-ci.  Pour les ERP de 1e à la 4e catégorie, un bureau de contrôle indépendant vient vérifier le bon achèvement des travaux et la conformité à la réglementation. Les ERP de 5e catégorie peuvent se transmettre une attestation sur l’honneur, ce qui ne les met pas à l’abri d’un contrôle et d’éventuelles sanctions en cas de fausse déclaration.   

  • Y a-t-il des secteurs qui sont restés hors des normes d’accessibilité ?
    Il y a des pans de la société qui se sont vraiment mobilisés, tels quels chirurgiens-dentistes, les pharmaciens, les ostéopathes, les banques, les grandes chaînes commerciales, les moins grandes, aidés par des fédérations très présentes. Il y a aussi bien sûr ceux qui ne sont pas suffisamment représentés et qui pour beaucoup exercent leur profession dans des copropriétés. Et dans ce cas les droits s’opposent, celui de la copropriété et celui des personnes handicapées à bénéficier d’une pleine citoyenneté. Et il y a beaucoup de professions libérales qui se sont vues refuser les autorisations de travaux.         

  • Les assouplissements réglementaires n’ont-ils pas entaillé la notion d’égalité des chances portée par la loi de 2005 ?
    Oui, il y a eu des ajustements sur la loi de 2005, mais rien n’a été supprimé dans la loi d’origine. Les ajustements ont été négociés avec tous les acteurs concernés et ont aussi permis de mieux prendre en compte certains handicaps ainsi que la mise en place de matériels moins contraignants ou moins onéreux. Ce qui a été fait l’a été de façon intelligente. 

  • Quel est aujourd’hui le rôle de la *DMA et quel sera-t-il demain ?
    La DMA existe depuis 1999. Elle a pour mission de promouvoir l’accessibilité sur la chaîne de déplacement, d’impulser et de coordonner les actions des uns et des autres pour y parvenir. Sa mission n’a pas changé, ni avec la loi de 2005, ni avec la mise en œuvre des Ad’Ap en 2015. Il y a toujours quelque chose à faire. La loi sur les mobilités, qui est en cours de validation actuellement, impose aussi de nouvelles mesures d’accessibilité et ceci malgré les mesures déjà en activité issues des lois de 2005 et 2014. Nous faisons toujours un peu plus en matière de mise en accessibilité des ERP et des transports et il y a encore tant à faire sur l’espace public et la voirie, comme auprès des acteurs pour mettre en synergie les efforts des uns et autres, chacun sur son espace dédié, que je ne pense pas que la DMA soit à la veille de plier boutique.   

*Ad’Ap : Agenda d’accessibilité programmé
* SD’AP : Schéma directeur d’accessibilité programmé
* ERP : Établissement recevant du public
* DMA : Délégation ministérielle à l’accessibilité





En photo : Brigitte Thorin, déléguée ministérielle à l’accessibilité.

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