L’autonomie ultime pour allier mobilité et handicap : le Motability Scheme
Par Jean-Christophe Verro. Comme déjà décrit dans une précédente chronique, les principaux transports en communs (bus, trains) en Grande Bretagne sont accessibles, permettant ainsi une certaine liberté en matière de mobilité et handicap. Et le pays va encore plus loin dans la mobilité pour le handicap.
Au milieu des années 1970, seules les personnes handicapées qui pouvaient conduire bénéficiaient de l’aide du gouvernement pour leurs transports, généralement sous la forme d’un petit tricycle bleu (qui ne pouvait pas prendre de passagers). En conséquence, de nombreuses personnes handicapées étaient bloquées chez elles et dépendantes d’autrui pour leur mobilité.
En 1976 le gouvernement britannique introduit l’allocation de mobilité, une nouvelle prestation en espèces, afin de permettre aux bénéficiaires de choisir la meilleure façon de répondre à leurs besoins en matière de mobilité : conduite d’une voiture, utilisation de taxis ou obtention d’un scooter.
Bien que cette indemnité de mobilité et handicap ait été une avancée positive, il est vite apparu qu’elle ne suffisait pas pour acheter et entretenir même la plus petite des voitures.
Alors, le secrétaire d’État à la Santé et aux Services sociaux a demandé à Lord Goodman d’étudier comment les personnes handicapées pourraient obtenir un véhicule à l’aide de cette indemnité. Celui-ci s’est entouré de Lord Sterling (le président actuel) et, ensemble, ils ont élaboré un plan mobilité. Le Plan Motability est ainsi né en 1977, avec un soutien parlementaire de tous les partis, et établi par Charte Royale.
Il a livré aux clients ses premiers véhicules en juillet 1978 et, depuis lors, plus de quatre millions et demi de voitures, scooters et fauteuils roulants motorisés ont été fournis pour aider les personnes handicapées ayant un besoin de mobilité. Les clients de Motability peuvent donc profiter de l’indépendance que beaucoup d’entre nous considèrent comme acquise.
Le Motability Scheme est constitué de deux entités : Motability, l’organisation caritative (www.motability.org.uk), qui définit les politiques, les stratégies et la direction du plan, qui lui est exploité par Motability Operations (www.motability.co.uk), société indépendante, responsable du financement, de l’administration et de la maintenance des véhicules, et qui les possède et les loue aux clients.
Pour rejoindre le Motability Scheme, il faut recevoir l’une des indemnités de mobilité existantes et disposer d’une durée d’attribution d’au moins 12 mois (ces indemnités mobilité et handicap sont révisées et renouvelées tous les 3 ans). Pour prétendre à une voiture, il faut posséder un permis britannique.
Concrètement, vous acceptez par un contrat de leasing, d’échanger votre indemnité mensuelle contre un véhicule (cette indemnité sera dorénavant directement versée à Motability Operations).
Personnellement, je reçois l’une de ces indemnités et j’ai échangé mon permis de conduire français contre un britannique (c’est assez simple, l’organisme de gestion des permis, la DVLA, a pris contact avec mes médecins et m’a fait passer un test de vision), ce qui m’a permis de rejoindre le plan pour avoir une voiture.
Tous les concessionnaires proposent une partie de leur gamme sous le Motability Scheme (avec selon les modèles un apport personnel, ou non). Sinon, pour vous aider à choisir, le plan propose également sur son site une gamme de véhicules, scooters et fauteuils roulant électriques.
Le plan est tout compris, qu’il s’agisse d’une voiture, d’un scooter ou d’un fauteuil roulant motorisé.
Lorsque vous choisissez un véhicule par le Motability Scheme, sont inclus :
-Un véhicule neuf de votre choix tous les trois ans
-L’assurance (jusqu’à 3 conducteurs différents)
-L’entretien et la maintenance
-L’assistance dépannage (assuré par le RAC (Royal Automobile Club))
-La Taxe automobile annuelle
-Les pneus de rechange
-La réparation ou remplacement des vitres et pare-brise
-Ainsi que de nombreuses adaptations (liste ici) sans frais supplémentaires (contrôles manuels, treuils, etc…) ou pour un coût moindre.
La seule condition d’utilisation du véhicule est qu’il doit être utilisé au bénéfice de l’allocataire de l’indemnité de mobilité (sans forcément que celui-ci ait à le conduire).
Par exemple, des parents peuvent prendre un véhicule pour leur enfant handicapé.
Ou vous pouvez prendre un vehicule pour que vos aidants vous conduisent à vos rendez-vous médicaux ou fassent vos courses.
Je suis donc allé voir un concessionnaire Citroën, qui m’a présenté plusieurs modèles. Comme il m’a dit en souriant « avec Motability, les seules dépenses que vous aurez à faire sont l’essence et le liquide lave-glace ! ». Je me suis donc décidé pour une Citroën C4 Cactus (apport personnel de £45), avec un contrôle manuel (équipement gratuit), une tablette de siège facilitant le transfert du fauteuil (cout £9) et un Braun Chair Topper (prix subventionné de £1399 (au lieu de £4500 !)).
Donc ma voiture neuve équipée m’a couté £1453 (= 1625 euro) a l’acquisition (essentiellement pour le Chair Topper qui est une aide technique couteuse, mais au combien utile et adapté à mes besoins !).
Et par mois, Motability reçoit mon allocation de mobilité, qui se monte à £232 (= 259 euro).
Je pourrais choisir un véhicule neuf dans 3 ans (ou prolonger mon contrat actuel pour 2 ans).
Maintenant, je suis plus indépendant que jamais en ce qui concerne mes déplacements (que ce soit sur des courts ou longs trajets) grâce à ce véhicule totalement adapté à mon handicap. Je dois avouer que ce plan est le plus bénéfique que j’ai vu jusqu’à maintenant pour compenser le handicap et redonner ou augmenter la mobilité des personnes handicapées.
Ce modèle, typiquement britannique, est une astucieuse combinaison de partenariat public/privé/organisation caritative pour allier mobilité et handicap, et son adaptation à la France mériterait d’être étudiée.