Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies (ONU) a rendu le 14 septembre ses observations finales, suite à l’audition de la France qui s’est tenue du 18 au 23 août 2021, sur la mise en œuvre de la convention internationale des droits des personnes handicapées et en réponse au rapport initial de l’ONU de 2016.
En nous appuyant sur les communiqués du Gouvernement, de l’APF France Handicap et de l’UNAPEI, nous avons procédé à la synthèse qui nous semble la plus évocatrice des premières réactions après que le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies (ONU) ait rendu ses observations finales sur les droits des personnes handicapées. Des analyses plus poussées sont à prévoir dans les prochaines semaines.
Commençons par les déclarations du gouvernement :
Avec un budget annuel de 51 milliards d’euros consacré aux politiques publiques du handicap, soit 2,2% de la richesse produite chaque année, la France se positionne ainsi au 3ème rang européen, derrière la Suède et le Danemark. Au-delà de ces chiffres, le Gouvernement prend également note des recommandations effectuées par le Comité dédié de l’ONU pour poursuivre l’objectif commun de faire respecter pleinement les droits des personnes en situation de handicap.
Depuis 2017, maintien son engagement en faveur du handicap de manière constante. Cet engagement s’illustre sur le champ de la protection des droits des personnes, notamment en matière de lutte contre les discriminations. La France a rappelé face au comité sa politique fondée sur la répression de toute forme de discrimination, sanctionnée par le code pénal, y compris celle visant le handicap.
Le gouvernement partage enfin la volonté du comité de changer le regard de la société sur le handicap, corollaire indispensable pour faire évoluer les représentations sur les personnes en situation de handicap et lever les préjugés. Une grande campagne nationale, lancée mi-octobre 2021, va permettre de sensibiliser le grand public.
Les observations du Comité des droits mentionnent par ailleurs les enjeux liés à notre modèle institutionnel. Depuis le début du quinquennat, la France a d’ores-et-déjà engagé une véritable mutation, en témoigne la transformation profonde du modèle scolaire, afin que l’école de la République soit en mesure de scolariser l’ensemble des enfants en situation de handicap. À la rentrée 2021, 400 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés, soit près de 20% d’élèves scolarisés de plus qu’en 2017.
L’offre médico-sociale se transforme également, en réponse aux attentes et aux besoins des personnes et de leurs familles. Sur les 12 millions de personnes en situation de handicap en France, 100 0000 personnes majeures sont hébergées en établissement. Entre le tout établissement et le tout domicile, l’ambition gouvernementale est de développer des habitats alternatifs de qualité qui respectent le choix des personnes et augmente leur pouvoir d’agir.
Néanmoins, le Gouvernement a pleinement conscience qu’il doit accélérer l’évolution de l’offre de services qui permette à chacun de disposer encore plus de ce libre choix. La personne en situation de handicap doit-être en capacité de choisir et de construire son propre parcours de vie nécessite un accès plein et entier à son environnement et à la vie démocratique.
Le comité des droits recommande cependant à la France de donner plus de place à la parole des personnes en situation de handicap et à leurs représentants directs, que ce soit dans la prise de décision ou dans l’élaboration des politiques publiques du handicap, notamment au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
Réactions des associations suite aux observations de l’ONU sur les droits des personnes en handicapées en France
APF France handicap :
le Comité des droits a pu prendre la mesure du retard inadmissible pris dans de nombreux domaines et dénonce le fait que notre pays n’a pas encore intégré l’approche du handicap fondée sur les droits humains et se base sur un « modèle médical et les approches paternalistes du handicap », constats partagés par APF France handicap.
En effet, comme l’observe le comité spécifique de l’ONU, la personne handicapée n’est aujourd’hui pas considérée comme un sujet de droits, mais comme une personne avec des incapacités, c’est ce paradigme qu’il convient de changer en adaptant notre législation et en revoyant la définition même du handicap conformément à la CDPH.
Le Comité des droits dénonce ainsi « le retard dans la mise en œuvre des plans sur les normes d’accessibilité, y compris l’Agenda d’accessibilité programmée, l’accessibilité dans les transports publics (…) », le Comité signale même des reculs dans le droit français (ex. la loi ELAN et recommande « d’abroger les dispositions de la loi réduisant le seuil des exigences en matière d’accessibilité pour le logement neuf »). Afin de lutter contre la fracture numérique, le Comité propose également d’adapter les modes de communication et demande à la France d’accroître ses efforts dans ce domaine.
Le Comité des droits reproche à la France l’absence d’une école réellement inclusive (Art.24) ce que partage APF France Handicap.
Le Comité des droits rappelle que l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société (Art. 19) ne sont pas pleinement respectées en France et met en avant l’institutionnalisation systématique.
APF France Handicap regrette que la question de la compensation n’ait pas été suffisamment soulevée par le Comité dans toutes ses dimensions : le droit à la compensation tel que mis en œuvre aujourd’hui ne prend pas en compte tous les besoins des personnes pour leur permettre de vivre en autonomie
L’UNAPEI :
L’Unapei regrette un rapport à la vision caricaturale des établissements et une occasion manquée d’aider à leur transformation
S’il contient des recommandations pertinentes que l’Unapei soutient pour une meilleure application de la Convention au bénéfice des personnes en situation de handicap, il donne une vision caricaturale des établissements accompagnant des personnes en situation de handicap. L’Unapei regrette que le rapport ne pointe pas les freins à lever pour une meilleure application de la Convention au bénéfice des personnes, quel que soit le lieu où elles choisissent de vivre, plutôt que de s’attaquer frontalement aux établissements, sans prise en compte de la parole des personnes en situation de handicap qui ont besoin d’un accompagnement continu et de leurs aidants familiaux, faisant référence à l’article 19 « Autonomie de vie et inclusion dans la société »,
L’Unapei rappelle que les établissements et services ont été créés par les personnes en situation de handicap elles-mêmes et leurs proches, justement pour pallier les carences de l’État, dont les politiques publiques ne prenaient pas en compte les besoins et aspirations.
L’Unapei rappelle que chaque personne en situation de handicap est une citoyenne à part entière et personne à part elle-même ne doit préjuger de ses choix.
Cependant, il revient aux politiques publiques de rendre ce choix effectif. Il faut un changement de paradigme dans la manière de penser le handicap.
Les établissements ne peuvent se transformer seuls. De nombreux freins administratifs comme financiers, voire sociétaux sont à lever.
L’Unapei regrette que le Comité des droits n’ait pas mis en exergue ces obstacles qui entravent toute tentative de transition inclusive.
L’Unapei interpelle les candidates et candidats à la future élection présidentielle pour savoir comment ils souhaitent mettre en œuvre les dispositions de la Convention et les recommandations du Comité pour permettre aux personnes en situation de handicap intellectuel, psychique, autistes et polyhandicapées et leurs proches, de jouir de leurs droits, de bénéficier d’une citoyenneté pleine et entière, et de participer aux activités de la société, à égalité avec les autres.
Pour voir et entendre les consultations des différentes auditions de l’ONU sur les droits des personnes handicapées :
1ère audition https://media.un.org/en/asset/k1b/k1bv5fepmw
2ème audition https://media.un.org/en/asset/k10/k10ggfoem0
3ème audition https://media.un.org/en/asset/k14/k14eaz3csx
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