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Les problèmes pondéraux des personnes ayant un handicap

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Les personnes en situation de handicap sont fréquemment touchées par des problèmes pondéraux. Le Docteur Jean-Michel Lecerf s’est penché sur cette problématique et propose des pistes concrètes pour y remédier.

Par le Docteur Jean-Michel Lecerf, Service de Nutrition – Institut Pasteur de Lille. Le Docteur Jean-Michel Lecerf est spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques. Il exerce comme clinicien au CHRU de Lille dans une unité de lipidologie depuis près de 30 ans et à ce titre il a une très grande expérience dans le domaine du cholestérol et des problèmes pondéraux. Il dirige par ailleurs le Service de Nutrition de l’Institut Pasteur de Lille depuis 1982, où il mène des travaux de recherche appliquée, de santé publique et d’enseignement dans le domaine de la nutrition. Il est l’auteur de plus de 600 publications scientifiques et d’une vingtaine d’ouvrages dans le domaine de la nutrition, du cholestérol, de l’obésité et du diabète, du métabolisme.

Manger est un acte élémentaire complexe dans sa nature et dans sa finalité. Cet acte a en effet trois fonctions : la première est de nourrir, la seconde est d’y prendre du plaisir, la troisième est de réunir.

Le handicap

Le handicap est une réalité tout aussi complexe mais en outre extrêmement hétérogène. Elle correspond certes à une incapacité dans des domaines variés : sensoriels, moteurs, intellectuels, entraînant une perte d’autonomie variable, mais cette faiblesse est aussi associée, selon les cas, à un développement accru d’autres capacités ou qualités d’ordre psychologique, sensoriel, relationnel avec une sensibilité souvent exacerbée dans ces registres. De même, en termes d’alimentation et de nutrition, les problèmes posés sont extrêmement divers, selon les degrés de handicap, les types de handicap,…





Les problèmes pondéraux

L’excès de poids chez les personnes ayant un handicap est très fréquent. Outre l‘IMC (Indice de Masse Corporelle), il faut déterminer la trajectoire, l’historique (ancienneté, évolution, régimes), le degré, le retentissement, le caractère familial ou non ; il faut tenter d’en évaluer les causes, toujours multiples. Elle peut s’inscrire dans un syndrome polymalformatif (syndrome de Willi-Prader,…), être une composante fréquente du morphotype de pathologies génétiques telles que la trisomie 21 ; il faut rechercher les prédispositions précoces (gros poids de naissance, retard de croissance intra utérin…) ; il faut s’enquérir des facteurs favorisants : inactivité physique, déséquilibres et excès alimentaires, troubles alimentaires compulsifs (boulimie,…) ou simple hyperphagie ; les circonstances des excès sont importantes à connaître (état anxio-dépressif, retours à la maison ou au contraire éloignement familial, compensation liés à l’ennui,…) ; la nature des pulsions alimentaires (sucré, gras…). Les boissons sucrées posent souvent un problème quand elles sont proposées comme boisson quotidienne ordinaire. Mais parmi les facteurs favorisants il faut aussi évoquer le rôle néfaste du déficit de sommeil, et donc des rythmes de vie. Les régimes excessifs, très restrictifs sont également une cause de gain de poids paradoxal lié à des facteurs métaboliques, hormonaux et comportementaux. Enfin les facteurs déclenchants sont essentiels pour comprendre une évolution. C’est le cas par exemple de l’arrêt du tabac, de l’arrêt d’une activité physique, mais surtout d’évènements traumatisants sur le plan psychologique : décès, divorce, séparation, agressions sexuelles (viols, incestes…), avortement, prise de médicaments (corticoïdes, neuroleptiques…). Dans certains cas la cause est une pathologie hypothalamique suite à une tumeur, un traumatisme… Souvent l’excès de poids et les problèmes pondéraux sont considérés comme une fatalité, ou un moindre mal ou un élément mineur. Alors qu’avec une obésité très importante, les difficultés engendrées se rajoutent au handicap primitif.





Dans ces cas-là, la mobilité, l’image de soi, la qualité de vie peuvent se dégrader et il convient de stopper voire d’inverser une évolution défavorable. Les conséquences orthopédiques peuvent être très négatives et les complications propres à l’obésité (métaboliques et vasculaires) peuvent se surajouter. Cependant il convient d’être attentif à ce que les mesures prises respectent aussi la personne dans son équilibre. Entre le laisser-faire et le « terrorisme » diététique, il y a un large espace. L’objectif de poids n’est pas à mettre en premier il est secondaire : c’est-à-dire qu’il est la conséquence des changements à réaliser.

Face à des problèmes pondéraux chez une personne ayant un handicap de nombreuses questions doivent donc être posées sur les causes de cet excès, puis sur la nécessité ou non de perdre du poids et les moyens à mobiliser.

Si le poids entraîne un inconvénient évident pour la santé à moyen terme il faut intervenir, tout en évitant les restrictions massives qui peuvent aboutir à des reprises de poids tout aussi importantes. Chaque situation est différente, mais très souvent on aboutira à un compromis contraintes-bénéfices. La coopération et la concertation entre les personnes compétentes et concernées sont indispensables depuis la cuisine, le service de table, l’entourage éducatif et médical, la famille. Attention aux écueils du chantage alimentaire ou des interdits draconiens. Par contre il faut à la maison comme dans le foyer ou l’appartement thérapeutique une solidarité entre les personnes, facilitée par l’absence d’aliments convoités, systématiquement sous les yeux. Supprimer tout présence de boissons sucrées, les remplacer par des produits light peut être un service précieux. L’activité physique dans les limites de ce qui peut être fait doit être encouragée, même si elle est modeste. De même en matière d’alimentation tous les petits pas sont bienvenus.

Photo : Le Docteur Jean-Michel Lecerf © sam.bellet

Le Service de Nutrition – Institut Pasteur de Lille

Le Service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille mène des projets de recherche appliquée en nutrition et santé publique, conduit des missions d’expertises et assure la formation des professionnels dans ces domaines. Il accompagne les acteurs de l’alimentation pour approfondir les connaissances en nutrition au service des consommateurs et de la santé publique. Infos : nutrition.pasteur-lille.fr

 

 

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