Réadaptation professionnelle : « Les travailleurs ne sont pas assez informés sur les dispositifs »
Rencontre avec Isabelle Merian, directrice de la FAGERH, fédération d’établissements médico-sociaux de Réadaptation Professionnelle.
Parlez-nous des différentes formations proposées par la FAGERH. Comment vérifiez-vous qu’elles correspondent aux secteurs susceptibles de recruter ?
La FAGERH fédère sur l’ensemble du territoire différents organismes, notamment 71 établissements de réadaptation professionnelle et 47 centres de pré-orientation. Près de 13 000 travailleurs handicapés sortent de nos dispositifs chaque année. Parmi eux, en 2016, on comptait 7000 personnes qui sortaient des dispositifs intégrant une formation qualifiante. Nos établissements proposent 200 formations dans 14 secteurs d’activité différents. Ces formations sont issues soit du Ministère du Travail (majoritairement), soit de l’Éducation Nationale. Elles sont validées par ces deux structures et réactualisées régulièrement par les partenaires sociaux, notamment par les branches professionnelles dans lesquelles siègent des représentants des entreprises et des salariés. Cela garantit qu’elles correspondent aux besoins du marché.
Par ailleurs, notre mission n’est pas de former spécifiquement sur métiers en tension mais plutôt de de mettre en œuvre des formations qui répondent aux besoins économiques y compris ceux des petites entreprises, tout en tenant compte des souhaits et possibilités de nos stagiaires. Dans le cas d’une grande entreprise qui souhaite recruter, nous pouvons adapter une formation existante à ses besoins spécifiques en créant un partenariat. C’est ce sur quoi nous travaillons actuellement avec la Mutualité Sociale Agricole (MSA) et son métier de technicien de protection sociale.
Pouvez-vous citer quelques métiers auxquels vous formez ?
Il y a beaucoup de classiques comme le tertiaire administratif, l’informatique, l’hôtellerie-restauration, l’infographie, la distribution-vente, la relation-client à distance… mais il y a aussi des formations plus originales, par exemple des conseillers médiateurs numériques, des monteurs en optique-lunetterie, des vendeurs conseils en jardinerie, des techniciens de labo… À travers cette offre diversifiée, nous montrons que le fait d’être handicapé ne signifie pas être abonné à une seule formation. On peut être déclaré inapte à un poste en particulier mais à partir de là on peut regarder ce qui est possible dans de nombreux autres domaines.
À côté de ces formations qualifiantes, tous les centres proposent des formations préparatoires destinées aux publics qui n’ont pas été à l’école depuis très longtemps. Agés d’environ 40 ans en moyenne, certains peuvent avoir besoin d’une remise à niveau en français, maths ou bureautique. En termes de résultats, il y a 78% de réussite aux examens et 62% de retour à l’emploi dans l’année qui suit la formation qualifiante (CDD, CDI, intérim…). Il y a aussi des formations de réentraînement au travail ou de préparation à l’emploi. Dans ce cas l’idée n’est pas de viser une formation, c’est plutôt d’aider la personne à reprendre confiance en elle et à se sentir de nouveau capable de travailler.
Il faut bien nous distinguer des centres spécialisés dans les formations pour adultes comme l’AFPA par exemple. Le travail de la FAGERH repose sur un processus global de reconversion et pas uniquement de formation. Les personnes accueillies ne sont pas nées avec un handicap, elles viennent du milieu ordinaire et ne se considèrent pas toujours comme handicapées. Après l’acceptation il y a tout un travail d’accompagnement sur la réorientation vers les différents métiers possibles. Pour cela des dispositifs d’évaluation et d’élaboration de projet sont proposés dans l’ensemble des régions.
Quels sont les niveaux de qualification des personnes que vous recevez ?
La majorité des formations proposées se situent autour des niveaux 4 et 5. En 2016, cela correspond à 47% des stagiaires qui suivent des formations 5 (CAP) ou 5bis (CAP pratique). On compte 44% des stagiaires sur le niveau 4 (Bac), puis 8% au niveau Bac+2. Ces niveaux correspondent aux qualifications des personnes orientées par les MDPH. C’est donc assez rare que l’on reçoive des demandes de personnes qualifiées au-delà de bac+2.
En matière de formation, qu’est-ce qui pourrait selon vous être amélioré dans le domaine de la réadaptation professionnelle ?
Les premiers concernés ne sont pas du tout informés de l’existence des dispositifs de réadaptation. Parfois ils arrivent chez nous sans avoir travaillé depuis au moins 5 ans. Le manque d’information, l’absence de coordination dans les dispositifs, des erreurs d’orientation peuvent s’ajouter à des périodes d’attentes de places disponibles, une errance qui peut durer des mois voire des années et complique le parcours de réinsertion. De nombreuses personnes sont orientées par principe dans le « droit commun » sans analyse de leur situation concrète et de leurs besoins spécifiques. Un jour les gens finissent par savoir que l’on existe, un peu par hasard, et intègrent l’un de nos dispositifs. Mais cela fait des mois voire des années qu’ils galèrent.
Nous-mêmes pourrions adapter plus finement nos formations aux besoins individuels notamment en termes d’aménagement d’horaire et de parcours. Quelqu’un qui travaillera à temps partiel pour des raisons de santé, doit pouvoir se former à temps partiel. Nous travaillons également à une meilleure accessibilité des formations aux personnes sourdes et malentendantes, voire à tous ceux qui peuvent avoir des difficultés relationnelles ou de communication du fait du handicap.
Qu’en est-il en termes de financement ?
Pour les CRP (Centres de réadaptation professionnelle), il n’y a pas de problème particulier car les formations sont financées à 100% par l’Assurance Maladie. La rééducation professionnelle est un droit de tout assuré social qui doit se reconvertir pour une raison de santé, comme une sorte de prolongement de la rééducation fonctionnelle. Par ailleurs, toute personne orientée en réadaptation professionnelle bénéficie d’une rémunération pendant son parcours en tant que stagiaire de la formation professionnelle. Cette rémunération est calculée sur la base de son ancien salaire.
Avez-vous connu des évolutions particulières au cours des dernières décennies ? Et quels sont vos projets ?
Nous avons beaucoup développé notre offre de pré-orientation ces dernières années. Aujourd’hui il s’agit de stages de 2 à 3 mois à temps complet. Nous souhaitons développer et faire évoluer cette offre en proposant un accompagnement plus souple sur une durée plus longue jusqu’à la mise en œuvre du projet. L’orientation est primordiale avant de se lancer dans une formation professionnelle, or aujourd’hui, un département sur deux n’est pas pourvu en pré-orientation. Nous pensons qu’il faudrait créer au moins 500 places de pré-orientation sur les 5 ans à venir. Nous voudrions aussi développer des dispositifs d’accompagnement professionnel pour les 16-25 ans en situation de handicap. Cet accompagnement, nécessite parfois une expertise particulière que l’on ne trouve pas en mission locale.
Sur les formations, un important travail d’individualisation a commencé et nous souhaitons poursuivre en ce sens pour s’adapter aux besoins des publics, notamment ceux qui ont plus de 50 ans, ou ceux qui ont des troubles dys. Dans nos souhaits figure aussi la volonté de développer l’emploi accompagné et nos établissements sont très mobilisés sur ce plan.
Les chiffres de la FAGERH
• 149 établissements et services d’évaluation, d’orientation et de reconversion professionnelle
• 200 formations qualifiantes
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14 secteurs d’activités
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13 000 personnes accueillies chaque année • 62% de retour à l’emploi dans l’année suivant la formation qualifiante
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78% de réussite aux examens
Pour plus d’informations sur les formations et les différentes prestations d’accompagnement : www.fagerh.fr
En photo : Isabelle Merian, directrice de la FAGERH.