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Soutien par les pairs : un processus d’échange mutuel

Soutien par les pairs Réseau des pairs aidants de Québec
Branly – Spot 2 – PC
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« Le soutien par les pairs repose sur un processus d’échange mutuel »

Rencontre avec Annie Beaudin, coordinatrice du Réseau des Pairs Aidants de la province de Québec, qui oeuvre pour le soutien par les pairs ou pair-accompagnement.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis paire aidante certifiée et coordonnatrice du programme Pairs Aidants Réseau au sein de l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP). Depuis plus de 20 ans, je suis engagée auprès des personnes vivant avec un trouble anxieux, dépressif ou bipolaire via l’organisme Revivre. J’anime des conférences partout au Québec et à l’international, en solo, mais également en compagnie de mon conjoint et de ma fille. Je collabore à de nombreuses tribunes à travers les médias dans le but d’enrayer les tabous et la stigmatisation entourant les maladies mentales. Je suis paire-chercheure auprès du laboratoire de recherche Vitalité! issu de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et je donne des formations auprès de mes pairs et du grand public.

Parlez-nous des origines de l’ accompagnement par les pairs.
Les origines du soutien par les pairs se trouvent dans la nature sociale des communautés humaines. Depuis toujours, les gens s’aident mutuellement au sein de leur famille et de leurs collectivités locales pour surmonter les difficultés de la vie. Toutefois, l’idée que des personnes issues de familles et de communautés différentes et qui ont une expérience de vie commune puissent se soutenir entre elles représentent un phénomène plus récent ; elle découle de l’évolution du sentiment d’appartenance à plusieurs communautés au sein de la société moderne.

Le réseau de soutien par les pairs le mieux établi a vu le jour en 1937. Le mouvement des Alcooliques Anonymes s’est étendu partout dans le monde et sa méthode en 12 étapes a été adaptée à d’autres dépendances et aux troubles mentaux. » [1] [2]





Le soutien par les pairs découle d’une culture différente en elle-même de celle que favorise le réseau de la santé mentale. Il s’agit d’un acte au cours duquel des personnes utilisatrices de services de santé mentale offrent un soutien à leurs pairs à partir de leur propre expérience du trouble mental et du rétablissement. Ces derniers, que l’on nomme pairs aidants, échangent notamment sur ce qu’ils ont vécu.
Les principes-clés de l’intervention par les pairs sont le respect, la responsabilité partagée et l’entente mutuelle[3]. « La réciprocité qui est propre à la relation d’aide offerte par le pair aidant permet d’éviter le déséquilibre du pouvoir qui caractérise les relations entre les patients et le personnel soignant des services de santé mentale (Mead et coll. 2001). Le réseau de la santé mentale fournit actuellement des services « à sens unique », qui s’appuient sur des rôles figés d’aidant et d’aidé (Mead et Macneil 2004) ou « d’expert » et de « récepteur passif » (Repper et Perkins 2003).

Le soutien par les pairs repose sur un processus d’échange mutuel de sorte que le pair aidant et la personne utilisatrice peuvent jouer des rôles multiples tout au long d’une interaction donnée. Par conséquent, ce type d’interaction se rapproche des relations qui se tissent au sein de la communauté de sorte qu’elle favorise l’intégration sociale et évite que l’usager se sente comme un malade mental dans la communauté (Mead

et Macneil 2004).[4]Son apport unique encourage les personnes utilisatrices à chercher les réponses en elles-mêmes, ce qui les aide à devenir plus responsables et confiantes dans leur rétablissement.[5] L’intervention par les pairs met de l’avant des relations respectueuses, empathiques, confiantes et chaleureuses, redonnant du pouvoir aux personnes utilisatrices afin qu’elles puissent réaliser les changements souhaités et prendre des décisions leur permettant d’atteindre leur but.





Finalement, « ils peuvent aider à déterminer, comprendre et combattre le stigma et la discrimination contre la maladie mentale et développer des stratégies pour aider les personnes à les affronter »[6].

Il y a aujourd’hui près de 200 pairs aidants certifiés au Québec, au Nouveau-Brunswick mais également en France (médiateurs de santé pairs). On retrouve ces pairs aidants dans le milieu communautaire ou dans le réseau institutionnel.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire du réseau des Pairs Aidants de la province de Québec ?
À l’automne 1997, l’AQRP consacrait un premier numéro de son bulletin Le partenaire sur cette thématique (Vol. 6, nos 3 et 4). On y retrouvait, entre autres, une présentation sommaire du Guide Positive Partnerships : How consumers and nonconsumers can work together as services providers. Cet outil permet de prendre connaissance des nombreuses difficultés qu’il faut éventuellement surmonter pour s’engager dans cette voie avec succès.

En 2005, l’Institut universitaire en santé mentale de Québec embauchait un premier pair aidant, monsieur Roger Pelletier, au sein de son équipe Pact offrant des services de suivi intensif dans la communauté. Il faut souligner que cette embauche était une première au Québec. L’Association des personnes utilisatrices de services de santé mentale de la région de Québec a participé activement à favoriser l’embauche de ce pair aidant. Cette même année, le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) lançait son Plan d’action ministériel 2005-2010, La force des liens, qui, parmi ses principaux objectifs, préconisait l’embauche d’intervenants pairs aidants dans 30% des équipes de suivi intensif et d’intensité variable. Ceci donne un premier coup d’envoi politique, le message est lancé, mais peu entendu.

Comment les choses ont-elles évolué par la suite?
À l’hiver 2005, l’AQRP déposait au MSSS une proposition visant à développer un programme de formation sur la réadaptation psychosociale et le rétablissement en sept axes dont un (l’axe 4) portait sur la promotion de l’embauche des pairs aidants. Toutefois cette proposition n’a pas été retenue. En mars 2006, madame Nathalie Lagueux, usagère et travailleuse sociale, s’associait avec l’Association des personnes utilisatrices de services en santé mentale de la région de Québec (APUR) afin de déposer auprès de l’Agence de Santé et de Services sociaux de la Capitale nationale un projet visant à développer une formation à l’intention des usagers désirant travailler à titre de pair aidant. L’Agence, convaincue de l’importance de développer ce programme pour les usagers, finance l’APUR pour établir les principaux éléments de contenus de cet éventuel programme. Elle suggère également au promoteur de s’adresser au ministère de la Santé et des Services sociaux pour vérifier son intérêt face à ce projet.

En mars 2006, le MSSS demandait à l’AQRP de proposer un programme de formation pour les pairs aidants puisqu’il correspond à l’un des objectifs de son Plan d’action 2005-2010. L’AQRP informait alors ce dernier quant au développement d’une initiative locale et l’APUR proposait alors une alliance avec l’AQRP afin de ne pas dédoubler les efforts et de s’assurer d’un échange d’expertises entre les leaders usagers et les praticiens de la réadaptation psychosociale qu’elle représente.

Finalement, en avril 2006, l’AQRP et l’APUR déposaient conjointement, avec l’appui du MSSS et de l’Agence de la Capitale nationale, un projet visant à développer une stratégie québécoise pour favoriser l’embauche et l’intégration des intervenants pairs aidants au sein des services de santé mentale.

Ce projet s’inscrit donc en réponse au plan d’action ministériel 2005-2010, La force des liens. Aujourd’hui, le programme poursuit sa mission de concert avec le nouveau plan d’action ministériel 2015-2020, Faire ensemble et autrement, qui recommande l’intégration d’un pair aidant dans au moins 30 % des équipes de SIV et dans 80 % des équipes de SIM[7].

Quelles sont les différentes activités du réseau ?
Le Programme québécois Pairs aidants Réseau propose une stratégie adaptée à la réalité québécoise pour aider à l’embauche et à l’intégration de pairs aidants dans les services de santé mentale. Il a pour objectifs de promouvoir l’embauche de pairs aidants dans les services de santé mentale, d’assurer le soutien aux pairs aidants et aux milieux d’embauche, et d’offrir des outils de formation.
Deux formations sont proposées :

 – Formation québécoise spécialisée en intervention par les pairs : Elle est destinée aux usagers de services de santé mentale intéressés à s’investir dans une formation en intervention, dans la perspective de travailler à l’intérieur du système de soins et de services de santé mentale à titre de pairs aidants. Cette formation permet aux personnes vivant ou ayant vécu un trouble mental de bien comprendre les spécificités du travail de pair aidant. Elle comprend des cours basés sur l’acquisition de connaissances et d’habiletés nécessaires afin d’exercer avec professionnalisme leur rôle spécifique de pair aidant. Les participants sont invités à demeurer sur place durant la formation, afin de développer leurs capacités à vivre en communauté.

– Formation adaptée pour les milieux d’embauche : celle-ci offre aux différents milieux prêts à s’engager dans une démarche d’intégration de pairs aidants un accompagnement et des outils de sensibilisation, de formation et de soutien visant à mieux appuyer les initiatives locales et régionales.

Quels sont les différents domaines dans lesquels le réseau des Pairs Aidants peut intervenir ?
On note l’actualisation de cette nouvelle pratique du soutien par les pairs dans les champs d’intervention suivants :

  • Case management;
  • Au sein d’une équipe de suivi intensif ou d’intensité variable;
  • Soutien à l’emploi;
  • Soutien au logement;
  • Intervention en situation de crise;
  • Entraide par les pairs (groupes d’entraide);
  • Travail de rue.

Quels bénéfices constatez-vous grâce au soutien par les pairs ?
Le pair aidant apporte de nombreux bénéfices à ses pairs et au réseau de la santé mentale. Entre autres,

  1. a) il détient un grand nombre d’habiletés et de connaissances par son vécu, telles que :

–     la connaissance du système, de la réadaptation, de la prise de médication;

–     l’empathie, la patience, la tolérance, la flexibilité;

–     la compréhension des obstacles que les personnes utilisatrices doivent affronter, comme l’exclusion, la pauvreté, la stigmatisation;

–     l’identification des problèmes, la responsabilisation, les stratégies pour faire face aux problèmes;

–     l’aspect relationnel;

–     l’intervention axée sur la croyance au rétablissement;

  1. b) il devient un modèle qui peut servir de motivation et d’espoir pour la personne utilisatrice et renforcer la croyance que le rétablissement est possible, par le biais de l’emploi, de l’éducation et de l’autonomie;
  2. c) il agit comme personne-ressource dans les services de santé mentale en :

–     sensibilisant les professionnels face à leurs préjugés et à la stigmatisation de leurs clients;

–     amenant un regard différent, ce qui facilite la compréhension des problèmes vécus par les personnes utilisatrices et des stratégies à employer pour les soutenir. Cela peut également aider certains professionnels non utilisateurs à repérer leurs propres préjugés et leur façon involontaire de stigmatiser les utilisateurs;

–     intégrant la voix de la personne utilisatrice aux étapes de la planification, de l’évaluation et du développement des services de santé mentale;

  1. d) il apporte une amélioration des services de santé mentale existants, non pour les remplacer mais pour les enrichir et les compléter;
  2. e) il devient une source d’espoir pour les personnes vivant un trouble mental.

Qu’il agisse en intervention individuelle auprès de ses pairs ou auprès de son équipe de travail, le pair aidant apporte un nouveau modèle de pratique et influence son environnement à partir de sa vision de l’intérieur. Entre autres il agit comme personne-ressource dans les services de santé mentale et ailleurs en :

  • sensibilisant le personnel à ses préjugés et à sa façon souvent involontaire de stigmatiser la personne utilisatrice;
  • amenant un regard différent, ce qui facilite la compréhension des problèmes vécus par la personne utilisatrice et des stratégies à employer pour la soutenir;
  • intégrant la voix de la personne utilisatrice aux étapes de la planification, de l’évaluation et du développement des services de santé mentale;
  • faisant prendre conscience aux proches et au milieu de leurs préjugés face au rétablissement;

Quels sont vos projets à court ou long terme ?
Le programme Pairs Aidants Réseau est fier de tisser de précieux liens avec ses différents partenaires. Ce travail de collaboration contribue à l’essor du programme et à l’harmonisation de nos pratiques nous permettant d’offrir des services orientés vers les besoins de notre clientèle. Nous collaborons notamment avec le Centre national d’excellence en santé mentale (CNESM) et le Centre d’études sur la réadaptation, le rétablissement et l’insertion sociale (CÉRRIS).

Afin de poursuivre notre positionnement et notre engagement en tant que leader auprès de nos pairs aidants actuels et futurs, des employeurs qui les embauchent et de nos partenaires, nous avons obtenus les résultats de l’étude « Du fou au collègue de travail, l’embauche de pairs aidants dans les services de santé mentale ». Ce bilan exhaustif de la situation du programme Pairs Aidants Réseau nous a permis de bien cerner les enjeux actuels ainsi que les ajustements qui devront être apportés au programme. Actuellement, nous en sommes à la présentation des résultats aux pairs aidants via les différentes communautés de pratique ainsi qu’aux milieux qui les embauchent. Des présentations sont également prévues auprès de nos partenaires. Un comité consultatif sera ensuite constitué afin de lancer les travaux de révision et de bonification du programme.

Par le biais des différentes communautés de pratiques établies à-travers le Québec, nous poursuivons notre travail de soutien et d’accompagnement des pairs aidants et des milieux qui les embauchent. De plus, nous sommes très fiers de résauter avec nos collègues pairs aidants (médiateurs de santé pairs) francophones de la France, de la Belgique et de la Suisse. Ensemble, nous partageons nos expertises communes et nous collaborons à la mise en place d’une association francophone internationale de pairs aidants. Un défi très emballant!

Nous sommes également impliqués et largement sollicités lors de colloques, de journées thématiques et dans le cadre de rassemblements en lien avec la santé mentale. Nous offrons des conférences en lien avec la paire aidance et nous sommes actifs via les réseaux sociaux.

Plus d’infos sur : https://aqrp-sm.org/

L’AQRP
L’AQRP, Association Québécoise pour la Réinsertion Psychosociale, c’est plus de vingt-cinq ans de travail, d’engagement, de bénévolat pour le mieux-être des personnes vivant ou ayant vécu avec un problème de santé mentale. De 60 membres en 1991, l’Association compte aujourd’hui 400 membres individuels et corporatifs. Accréditée par le programme national de Soutien aux organismes communautaires (programme SOC), l’AQRP obtient son principal financement du ministère de la Santé et des Services sociaux. En plus de la cotisation de ses membres, elle bénéficie de la complicité de nombreux partenaires financiers et de fournisseurs pour l’organisation d’événements nationaux tels que des journées de formation thématiques et son colloque. Ce colloque, le rendez-vous par excellence au Québec dans le domaine de la santé mentale, réunit en effet à chaque édition des centaines de participants, parmi lesquels un nombre important de personnes vivant avec un problème de santé mentale. L’AQRP est ainsi la seule organisation en santé mentale au Québec qui se distingue par sa capacité à mobiliser un vaste éventail d’acteurs dans une même agora : les diverses catégories d’établissements publics; la contribution particulière et originale des organismes communautaires; les multiples disciplines et secteurs d’intervention; chacun des différents groupes d’acteurs concernés, dont les personnes utilisatrices des services de santé mentale et leurs proches.
*Extrait tiré du site internet de l’AQRP

Photo : Les membres du Réseau des Pairs Aidants de la province de Québec – Soutien par les pairs

4     O’hagan, M., Cyr, C., Mckee, H. et Priest, R. (2010). Faire avancer la cause du soutien par les pairs. Rapport présenté au comité du projet de soutien par les pairs en matière de santé mentale de la Commission de la santé mentale du Canada.

5     Vous trouverez en annexe un résumé des origines du soutien par les pairs

6     Champlain District Mental Health Implementation Task Force (2002).Section 3.1.6.Peer Support and Employment Across the Mental Health System, Ontario.

[4]     Repper, J. et Tim Carter (2010). Using personal experience to support others with similar difficulties. A review of the literature on peer support in mental health services. The University of Nottingham. Together for mental wellbeing. Royaume-Uni. Traduit et adapté de l’anglais par Daniel Gélinas, M.Sc. (2011).

[5]     Gélinas, D., Participation grandissante des utilisateurs au sein des services de santé mentale. le partenaire, vol. 14, no 1, été 2006.

[6]     Association des hôpitaux du Québec (2004). Guide pratique pour les équipes de suivi intensif dans la communauté, Montréal.

[7]     Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), (2015). Plan d’action en santé mentale 2015-2020 : Faire ensemble et autrement. Bibliothèque nationale du Québec.

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