Le 10 juillet 2022, la « Loi d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés » a eu officiellement 35 ans ! Retour sur cette page d’histoire qui a transformé la prise en compte du handicap sur le lieu de travail et les stratégies de recrutement.
Ce fut un tournant dans l’histoire du handicap. Le 10 juillet 1987, la « Loi d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés » instaurait une véritable révolution dans le domaine de l’emploi, du travail et du handicap. L’Agefiph célèbre cette année le 35e anniversaire de ce texte, et le sien, puisque cette structure dédiée à l’emploi des personnes handicapées a été créée par cette loi emblématique.
Une démarche inclusive désormais inscrite dans la conception des politiques
À l’approche de cette date marquante, l’Agefiph a publié, le mercredi 6 juillet 2022, une tribune qui réaffirme son engagement pour l’inclusion des personnes en situation de handicap et les efforts qui restent à mettre en œuvre.
« Prendre soin et intégrer les personnes en situation de handicap est une priorité reconnue par la loi. La conception de nos politiques d’éducation, de santé, de logement et d’emploi s’inscrit désormais dans une démarche inclusive, c’est-à-dire prenant soin de permettre aux personnes en situation de handicap de pouvoir s’insérer, au même titre que les autres, socialement et professionnellement dans la société », ont ainsi déclaré les auteurs de la tribune de l’Agefiph.
« Les personnes en situation de handicap constituent, pour les entreprises, les employeurs publics et pour toute la société un puissant levier pour innover et accélérer la construction d’une société plus inclusive où l’égalité des chances et le plein emploi pour tous sont une réalité », ont-ils ajouté. Soulignant également qu’à « l’heure où nous célébrons ensemble le 35ème anniversaire de la loi du 10 juillet 1987, qui a créé l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, force est de constater que l’inclusion dans le monde du travail est à renforcer ».
Pour Christophe Roth, Président de l’Agefiph :
« L’adoption de la Loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des personnes handicapées a entraîné de profonds changements de méthode et de pratiques dans le monde du travail, et une nouvelle approche culturelle de la question du handicap. Des avancées concrètes qui doivent aujourd’hui s’accélérer : un peu moins de 500 000 personnes handicapées sont à la recherche d’un emploi leur taux de chômage est deux fois plus élevé que la population active générale. Leur taux d’emploi dans le privé progresse trop lentement, j’ai pour ambition de le faire évoluer au-delà des 4%, d’ici à 2024. Un cap collectif pour lequel j’invite à la mobilisation de tous. Ensemble, employeurs, pouvoirs publics, acteurs de l’emploi, associations représentatives des personnes handicapées et partenaires sociaux nous pouvons construire un monde du travail inclusif, sans barrières pour les personnes en situation de handicap, sans discrimination et où les compétences sont prises en compte ».
De l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés…
Alors qu’elle avait connu des prémisses en 1924, avec une loi qui imposait aux entreprises le recrutement de mutilés de guerre, élargi en 1930 aux accidentés du travail, l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH) avait d’abord été fixée à 10% par la loi du 23 novembre 1957, une obligation de moyens, qui n’était pas assortie de sanctions ou de contrepartie. On distinguait alors deux catégories de travailleurs handicapés : 7 % d’invalides de guerre et 3 % d’invalides civils.
C’est dans ce contexte que la loi du 10 juillet 1987 a finalement instauré une obligation d’emploi de travailleurs en situation de handicap de 6% de l’effectif global à toute entreprise de 20 salariés et plus. Il s’agit dès lors d’une obligation de résultat. En parallèle, pour garantir le principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, les employeurs sont tenus de prendre des mesures appropriées, en fonction des besoins, pour leur permettre :
– D’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser.
– De se voir dispenser une formation adaptée à leurs besoins.
Sachant que tout refus de prendre des mesures appropriées équivaut à une discrimination de l’employeur.
De même, les entreprises qui ne répondent pas à cette obligation doivent s’acquitter d’une contribution financière à l’Agefiph proportionnelle au nombre de personnes handicapées manquantes dans les effectifs, selon un mode de calcul établi par la loi.
Selon le texte, les employeurs peuvent toutefois remplir leur obligation d’emploi de plusieurs façons : l’emploi direct, la sous-traitance ou la prestation de services avec le milieu protégé (dans la limite de la moitié de l’obligation), la conclusion d’un accord collectif avec les syndicats de salariés agréés par le préfet ou le versement d’une contribution à l’Agefiph.
… à la création de l’Agefiph
Autre apport déterminant de la loi du 10 juillet 1987 : la création de l’Agefiph, Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Il s’agit d’une association privée paritaire, gouvernée par un premier collège représentant les salariés, un second qui représente le patronat, et un troisième qui représente les associations. L’Agefiph fonctionne sous délégation de service public et sous tutelle du ministère du travail. Elle collecte la contribution financière des entreprises qui sert à financer sous de nombreuses formes le retour ou le maintien dans l’emploi des personnes handicapées.
De 1987 à 2022, quelques évolutions en matière de handicap au travail
Près de deux décennies plus tard, la loi de 1987 a été réformée et renforcée par la loi du 11 février 2005, qui a défini pour la première fois le handicap de manière globale. Ainsi, l’article 2 dispose que « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».
Le texte précise par ailleurs que, contrairement à ce que prévoyait la loi de 1987, chaque bénéficiaire de la reconnaissance compte désormais pour une unité. La liste des bénéficiaires de l’obligation d’emploi se retrouve donc considérablement élargie et la contribution financières des entreprises renforcée.
D’autre part, la loi de 2005 a aussi donné naissance au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) qui joue le même rôle que l’Agefiph mais pour l’ensemble des 3 fonctions publiques.
En 2018, la « loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel », entrée en vigueur au 1er janvier 2020, a également apporté son lot de changements. Dès lors, toute entreprise privée, quelle que soit sa taille, y compris les entreprises de moins de 20 salariés, doit déclarer son effectif total de bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Toutefois, seuls les employeurs d’au moins 20 salariés restent soumis à l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés.
Autre point non négligeable : Le recours aux contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestation de services conclus avec les Entreprises adaptées (EA), Etablissements et services d’aide par le travail (ESAT) et les travailleurs indépendants handicapés (TIH) ne sont plus comptabilisés dans le taux d’emploi des 6 %. Cependant, ils donneront droit à une déduction de la contribution financière due à l’Agefiph lorsque le taux de 6% n’est pas atteint.