Elle a dépassé ses peurs pour retrouver sa place au travail : découvrez le témoignage de Lydie Donnet, qui nous raconte son parcours professionnel qu’elle a dû concilier avec son Trouble Dissociatif de l’Identité (ou TDI).
Lydie Donnet, jeune femme brillante et pétillante, mène une carrière professionnelle marquée par le succès. Mais derrière les apparences et la réussite professionnelle se cache pourtant un handicap lourd : Elle souffre d’un Trouble Dissociatif de l’Identité qu’elle a caché à son cercle privé et professionnel… jusqu’à un certain jour. Ce fameux jour où elle a dû avouer son handicap à son employeur a profondément bouleversé sa vie. Son témoignage nous montre qu’il faut savoir suivre la voie de l’authenticité pour vivre en paix avec soi et son entourage.
Lydie trouve un emploi en 2006, dans le secteur bancaire, où elle connait une carrière plutôt ascensionnelle, jusqu’à devenir responsable du pôle médicosocial, à la Société Générale. Puis, arrive la crise du Covid, avec le télétravail et une réorganisation professionnelle qui l’amène à traiter des tâches de plus en plus administratives. C’est à ce moment que c’est devenu insupportable pour elle, car sans stimulation intellectuelle ou interactionnelle, « je pars » dit-elle, « Je ne suis plus là. Je suis dans ma tête, je discute de tout un tas de choses, je me parle à moi-même et je ne suis plus connectée. Cela fait partie de mon trouble dissociatif de l’identité ».
Lydie souffre de ce handicap depuis l’enfance, « mais ne l’avait pas déclaré ni nommé ». En grande partie, dit-elle, « par déni ». Mais lorsqu’elle en prend vraiment conscience, elle n’agit toujours pas, par crainte de perdre son emploi. « J’ai passé ma vie à masquer mes difficultés et elles sont nombreuses puisque je fais face à des pertes constantes de repères spatiotemporelles ».
Affronter ses peurs pour franchir un cap
Pour compenser son trouble dissociatif de l’identité, Lydie utilise des agendas qui lui permettent de recomposer des morceaux de temps perdus et des techniques d’observation et d’analyse pour combler les pertes de mémoire. « Mes collègues, avaient parfois du mal à comprendre mon comportement et tout cela a duré une grande partie de ma vie professionnelle », avoue-t-elle. Jusqu’à la réorganisation de son travail en tâches administratives et en télétravail du fait de la crise covid.
Mais passer à l’acte et déclarer ouvertement son handicap la confronte à une double frayeur car elle a doit faire des démarches auprès de la MDPH, craignant que cela fasse ressortir un problème de santé mentale : « Va-t-on me prendre pour une folle ? Est-ce que l’on va m’interner ? ». Elle fait face à des craintes que rien ne peut apaiser dans un premier temps. « D’autre part, j’avais peur des réactions au sein de l’entreprise, car c’est un sujet dont on commence à peine parler, et de façon timorée. Mais difficile pour moi de continuer à faire l’autruche, car j’avais besoin d’une prise en charge en réponse à des symptômes qui ne faisaient que croître du fait de l’isolement et du stress ».
Dans les entreprises, on parle beaucoup du handicap psychique et physique, mais très peu de la santé mentale. Lydie pense à ce moment-là que le fait d’en parler lui fait prendre deux types de risques : celui d’être considérée comme une personne dépendante, alors qu’elle est totalement autonome ; et un risque sur le plan professionnel. « J’en suis arrivée à ce niveau de ma vie professionnelle et si demain je parle de mon handicap à mon manager, je risque de tout perdre ».
Pas de quoi freiner sa résolution, mais elle avait raison : « Je n’ai pas pu garder ça pour moi car j’en souffrais trop. J’ai commencé par aller voir mes collègues de façon prudente pour leur parler de mes difficultés. Ce qui a été très, très mal interprété. Peut être parce j’ai eu beaucoup de mal à m’exprimer, que j’ai parlé de mes symptômes sans expliquer ce que j’avais. Je parlais des symptômes et je n’’expliquais pas ce que j’avais, ce qui a généré beaucoup d’incompréhension de la part des collègues. Cela a été répété à mon manager et j’ai effectivement passé un sale quart d’heure avec une dépréciation de mon évaluation soudaine et brutale. J’ai pris un coup sur la tête, et je me suis retrouvée isolée. Ce n’est pas une initiative qui m’a épargnée et ce serait la même chose pour toute personne en situation de handicap qui traverse ce type d’étape. C’est même très violent, au point que je me suis mise en télétravail thérapeutique plusieurs mois, jusqu’à pouvoir y voir un petit peu plus clair. Je ne voulais pas arrêter de travailler non plus car j’aime mon travail. Mais l’appréhension du regard des autres était trop difficile à vivre pour moi ».
Une période de transition déterminante
Lydie s’est alors mise à distance jusqu’à ce qu’à intégrer un nouveau service. « Je savais que tout cela allait avoir des conséquences, même au niveau de ma vie personnelle car il y a des relations qui s’éloignent par peur. Je pouvais les entendre dire que je n’étais pas tout à fait la personne qu’ils croyaient que j’étais. Mais inversement raconte-t-elle : « Il y a des surprises parce que des personnes que je n’avais pas vues depuis longtemps sont revenues en me disant : « Je comprends mieux maintenant pourquoi tu étais si bizarre, c’est génial, bravo, tu as été toi-même ». Et en fait mon cercle de relations a changé pour le mieux parce que j’étais enfin moi-même ».
À ce moment-là, Lydie nous explique qu’elle a réfléchi à deux options. « La première, c’était d’enterrer l’affaire et d’accepter un poste au placard. La deuxième, c’était de dire non, je suis quelqu’un d’exceptionnel pour être arrivée jusque-là. On m’a dit que j’étais quelqu’un de génial. Ce n’est pas parce que je suis différente que je dois accepter un poste qui n’est pas à la hauteur de mes compétences ».
Lydie décide finalement de résister et va être actrice de sa démarche. Elle va voir si au sein de l’entreprise il n’existe pas une structure qui puisse accompagner des personnes en situation de handicap et découvre la mission handicap. « J’ai bénéficié d’une écoute à laquelle je ne m’attendais pas du tout. Je suis tombée sur des gens surpris par ma démarche, parce que même les professionnels médicaux m’avaient conseillé d’enterrer l’affaire et de ne pas en parler, que ce soit à mon médecin généraliste ou dans le cadre du travail, à moins de ne parler que des symptômes ».
Bien expliquer le trouble dissociatif de l’identité pour bien s’intégrer
Mais partie sur sa lancée, elle suit tout le parcours médical préconisé pour compléter son dossier MDPH. « Au même moment, je me suis dit que pour être bien accueillie dans le service formation que je devais rejoindre. Je ne pouvais pas arriver en disant simplement à l’équipe « je suis différente », sans leur expliquer qui je suis et pourquoi j’ai ça. Ce qui aurait immanquablement généré des réactions imprévisibles et de nombreuses questions », explique Lydie. Et d’ajouter : « Je voulais aussi mettre en avant mes qualités et ce que je pouvais apporter. Certes je ne peux pas me concentrer sur des sujets trop administratifs ou un peu trop passifs mais sur des sujets intellectuellement prenants, mais je peux être hyper efficace et travailler des heures sans être déconnectée ».
Lydie a ainsi pu parler de son trouble dissociatif de l’identité de manière à ce que chacun comprenne qu’elle est bien porteuse d’un handicap, même si au premier contact rien ne le montre.
Elle a bien précisé : « Je ne suis pas non plus en incapacité, c’est un handicap qui a certes des conséquences médicales mais qui n’obère en rien ma capacité à travailler en environnement professionnel ». Une capacité de travail soumise à un accompagnement qui lui évite les situations de stress.
« Je leur ai expliqué comment ils pouvaient m’aider à résoudre certains problèmes de mon quotidien et de quoi j’allais avoir besoin comme d’avoir un bureau isolé pour éviter, entre autres, les petites remarques. À l’issue de nos échanges, ils se sont montrés prêts à m’accueillir et ravis de travailler avec moi. Et à la fin de cette présentation, les équipes ont posé beaucoup de questions, d’ordre général ou plus personnelles, sur le handicap. C’est un gros succès et ça change forcément les choses ».
Lorsque nous demandons à Lydie si elle regrette de ne pas avoir déclaré son handicap plus tôt, maintenant qu’elle est totalement intégrée, voici sa réponse : « Non, car c’est très difficile de se déclarer au sein d’un service qui n’est pas sensibilisé. Il y a des regards qui changent. Les gens se posent des questions parce qu’on ne leur a pas expliqué et ce n’est pas de leur faute. Si tout cela a été possible, c’est aussi parce que je suis accompagnée par un psychothérapeute que je vois toutes les semaines, un psychiatre que je consulte depuis un an, le médecin du travail qui m’a suivie aussi dans toutes ces démarches, et la filière RH de la banque qui a été très à l’écoute ».
Une expérience qui peut profiter à d’autres
Et lorsqu’on lui demande si aujourd’hui elle a envie de faire quelque chose en particulier de cette expérience : « J’ai envie de faire de la sensibilisation et de parler de mon parcours. À ma connaissance, aucune personne comme moi n’avait réussi à parler de façon aussi libre et décomplexée de ce type de handicap en entreprise ».
Dans cette optique, Lydie a participé à la conception d’un module de sensibilisation avec le concours de sa mission handicap, à l’adresse de l’ensemble des effectifs de son entreprise. La finalité de cette formation est de faire prendre conscience aux participants que le handicap existe dans l’entreprise sous différentes formes et que celui-ci a des conséquences sur le travail dès lors qu’il nécessite un aménagement de poste.
Lydie a d’ores et déjà dispensé cette sensibilisation avec l’appui d’une chargée de mission handicap. « J’ai d’autres projets liés au passage de ce cap, et notamment de transmettre encore plus au niveau de mon entreprise, du monde du travail, et de m’engager un peu plus pour l’inclusion, commente-t-elle. La mission Handicap m’a proposé de témoigner pendant la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées. Je vais prendre la parole parce que j’ai envie de montrer aux gens qu’ils peuvent prendre exemple sur des personnes qui ne sont pas uniquement des champions paralympiques, ou des aventuriers capables de traverser l’Atlantique. Ils peuvent s’identifier à des personnes qui leur ressemblent dans le cadre d’un environnement de travail tout à fait banal. J’ai déjà apporté un témoignage pour Companieros, l’école du sens au travail – qui forme des managers inclusifs – dans le cadre des cordées pour l’intégration qu’elle organise. Et je vais continuer à le faire dans le cadre d’autres partenariats sur le même modèle.
Propos recueillis par JMMC
2 Responses
Merci
Merci pour me redonner du courage pour la bataille-non nos handicaps invisibles ne doivent pas nous forcer à être les comédiens de nos Vies.bravo 🙏que encore longtemps vous pourrez agir pour secouer les gens à être moins méchants avec les fragiles entre nous qui veulent juste participer et travailler…