L’emploi accompagné est un concept qui arrive en France alors que dans des pays comme l’Espagne, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Australie… il est en place depuis de nombreuses années avec beaucoup de succès.
Véronique Bustreel est conseillère nationale sur toutes les questions d’emploi et d’accompagnement professionnel et ressource sur les questions liées à l’emploi accompagné à l’APF. Elle est aussi membre du bureau du Collectif France pour la recherche et la promotion de l’emploi accompagné. Elle nous explique les tenants et aboutissants de cette méthode.
Qu’est-ce que l’emploi accompagné ?
C’est une méthode qui est développée depuis très longtemps dans les pays anglo-saxons et en France de manière expérimentale sur différents sites. Elle vise à accompagner autrement les personnes en situation de handicap en fonction d’un principe d’autodétermination. Il s’agit d’offrir un accompagnement modulé à la personne handicapée tout au long, si nécessaire, de son parcours professionnel, et à l’entreprise toute la durée de leur contrat, sous réserve d’évaluation régulière des besoins. En d’autres termes, il s’agit d’accompagner la personne handicapée une fois qu’elle a trouvé un emploi pour qu’elle soit efficace sur son poste et non l’inverse, comme cela se fait habituellement. Mais attention, l’accompagnement peut aussi commencer au début de la recherche professionnelle, avec une évaluation des compétences et une détermination du projet professionnel. L’intérêt premier c’est qu’il s’agit d’un accompagnement durable inscrit dans le temps. À tout moment le salarié ou l’employeur peuvent faire appel à l’interlocuteur dédié, et ce pendant ou hors du temps de travail.
Quel public cela concerne-t-il ?
Des personnes qui vont connaître des évolutions de leur état de santé au cours leur vie professionnelle, notamment s’il est variable (SEP, maladie psy…). Aujourd’hui ces personnes sont placées dans le champ du maintien dans l’emploi. Le dispositif d’emploi accompagné peut éviter cette phase car il se fait sur le long terme grâce à des équipes formées et dédiées en lien permanent avec l’employeur et le salarié, qui garantissent que tout se passe bien.
Qui met en place ce dispositif, qui intervient et qui finance ?
Nous sommes en train d’y travailler, puisqu’après le gros travail que nous avons déjà effectué, nous souhaitons en faire le chaînon manquant entre les dispositifs existants. Nous avons réussi à le faire intégrer dans la Loi « El Khomri » et aujourd’hui nous en sommes à l’écriture du décret qui doit définir le cahier des charges de l’emploi accompagné et ses modalités : à la fois l’organisme qui va le porter et quel sera son financement. Le premier texte sera présenté à la CNCPH début novembre. Donc aujourd’hui le dispositif n’est pas encore stabilisé, mais il y a des expérimentations notamment avec Messidor et son Job Coaching, l’APF a six plateformes emplois qui en font partie. Avec elles nous accompagnons des jeunes déjà diplômés qui ont un parcours complexe et que personne ne souhaite suivre car c’est trop long. Ce dispositif permet de faire du sur-mesure. Ce que l’on sait déjà c’est que dans le projet de loi de finances 2017, il y 5 millions d’euros qui sont budgétés par les ARS et qui seront distribués sur le territoire national à partir d’un appel à candidature, sur la base d’un cahier des charges assez léger, qui reprend 4 à 5 étapes seulement. Peuvent candidater, plutôt des acteurs du médico-social ou des acteurs non médico-sociaux mais qui ont conclu une convention avec un acteur du médico-social. Il est précisé dans le décret que les dispositifs pourront solliciter l’Agefiph et le Fiphfp. Sauf que dans le concret ces organisations n’ont pas encore travaillé sur ces questions. Selon moi, le cahier de charges devrait être travaillé en concertation entre l’ARS, l’Agefiph, le Fiphfp et les Prith, car l’un des buts prioritaires est d’accompagner la sortie du secteur protégé. Mais aussi le maintien dans l’emploi durable… La loi précise cependant que pour en bénéficier il faut une orientation MDPH, ce qui exclut un certain nombre d’organismes de la possibilité de candidater (ex : Clubhouse). Nous en sommes à la découverte de cet outil, il ne faudrait pas trop le fermer et trouver des modes alternatifs. Les pays dans lesquels il fonctionne ont des économies très différentes, c’est donc délicat de s’en inspirer. Dans d’autres pays ce dispositif est utilisé pour des publics fragilisés, autres que le handicap.
Les entreprises sont-elles ouvertes à ce dispositif ?
C’est une réflexion que nous abordons en ce moment, mais le constat c’est qu’ailleurs cela ne pose pas de problème. Le management à la française est-il adapté à cela ? Nous y travaillons avec des grandes entreprises au regard aussi de la Convention des Droits des Personnes Handicapées. Nous souhaitons que des entreprises de toutes natures et de toutes tailles travaillent avec nous sur ce sujet. Thales, Société Générale, HandiEM… entre autres, le font déjà. Par extension, il y a une réflexion européenne menée sur l’emploi accompagné pour un indépendant.
Un référent handicap en entreprise pourra-t-il être un coach ?
Non, pour moi il faut que ce soit une personne extérieure, car sinon nous sommes dans un tutorat. Mais cela peut bien sûr se combiner avec le dispositif.
Auprès de qui se renseigner ?
Nous avons créé un collectif avec un certain nombre d’associations : le Collectif France pour la Recherche et la Promotion de l’Emploi Accompagné. C’est une association loi 1901 créée par des fédérations, associations, établissements du secteur du handicap et des personnes physiques (FEGAPEI, LADAPT, MESSIDOR, CLUBHOUSE, CAP EMPLOI, NOUVELLES FORGES, FNASEP…). Certaines organisations qui voient la maturité du dispositif envisagent de nous rejoindre prochainement. Il nous manque cependant deux collèges, celui des entreprises et celui des personnes handicapées accompagnées, que nous œuvrons à mettre en place.
Plus d’infos sur: www.emploi-accompagne.fr