L’information est partout, mais encore faut-il qu’elle soit compréhensible par tous. Démarches administratives, informations du quotidien ou services : chacun doit pouvoir y accéder sans difficulté. Pourtant, de nombreuses personnes se retrouvent face à des problèmes de compréhension. Difficultés de lecture, handicap, maîtrise limitée du français… les raisons sont nombreuses.
Cécile Rouyer, designer graphique spécialisée dans la communication accessible, a fait de ce sujet son quotidien. Avec plus de dix ans d’expérience dans le domaine de la communication et quatre ans en accessibilité, elle travaille à rendre les contenus plus accessibles à tous, quelle que soit la situation des lecteurs. Objectif : rendre l’information accessible à tous !
Voici ses conseils :
Rendre l’information accessible : une question d’égalité
Offrir à chacun la possibilité de comprendre les informations qu’il reçoit, c’est un pas vers plus d’égalité. Certaines personnes sont trop souvent mises à l’écart simplement parce que le contenu n’est pas adapté à leurs besoins. Rendre l’information accessible, c’est donner à tout le monde la chance de participer pleinement et de faire des choix éclairés.
Rendre l’information accessible, c’est donner un pouvoir à chacun pour qu’il puisse pleinement communiquer. Pour qu’il puisse exister, vivre au jour le jour sans rencontrer trop d’obstacles dans son quotidien. Finalement, c’est une pratique citoyenne et engagée.
L’accessibilité : un droit pour tous ?
L’accès à l’information devrait être un droit pour tous. Alors pourquoi une grande partie de la population reste exclue ? Tout ça parce que les supports de communication n’ont pas été pensés pour les personnes en situation de handicap ou en difficulté.
« L’information accessible, c’est permettre à chacun de comprendre et de s’approprier les contenus qu’il rencontre au quotidien, que ce soit pour des démarches importantes ou simplement pour mieux s’informer », explique Cécile Rouyer.
Ce besoin d’accessibilité touche un grand nombre de personnes : ceux qui ne maîtrisent pas la langue, les personnes en situation de handicap, ou encore celles qui souffrent de troubles comme la dyslexie ou la malvoyance. Ne pas adapter nos supports, c’est risquer de priver ces personnes d’une autonomie indispensable à leur vie quotidienne.
Comment rendre l’information plus accessible ?
Le métier de graphiste est avant tout lié à la communication visuelle. Il consiste à créer des supports clairs et lisibles en jouant sur la mise en page, la structure, les marges et les couleurs pour rendre l’information facilement compréhensible. Cécile adopte une approche qu’elle appelle « design de l’information« . Cette démarche consiste à trier et à organiser les contenus pour ne garder que l’essentiel, tout en les présentant de manière visuellement attrayante.
« Quand je reçois un contenu très dense, mon travail est d’en extraire ce qui est vraiment nécessaire pour le public », explique-t-elle. Cela passe souvent par des échanges avec les clients pour déterminer ce qui doit vraiment être mis en avant. Ce tri est essentiel, car un texte trop chargé ou mal structuré peut décourager les lecteurs, surtout ceux qui ont des difficultés de compréhension ou de lecture.
1. Choisir le bon support de communication
Avant même de sélectionner les informations nécessaires ou de penser à une mise en page lisible, il faut bien choisir le support de communication. Bien souvent, les équipes sont tentées de créer une brochure ou un livret parce que cela leur paraît rassurant et familier. Cependant, il est indispensable de se demander ce qui correspond vraiment aux attentes et aux usages du public visé.
Qu’attend mon audience ? Quels sont ses modes de consommation d’information ? Un livret papier est-il vraiment adapté ou une campagne sur les réseaux sociaux serait-elle plus efficace ?
« Selon le public, il est possible d’adapter les formats. Parfois, un simple changement de support ou un ajustement des couleurs peut faire toute la différence », précise Cécile.
Il est important de s’assurer que l’information atteindra son public cible et sera accessible. Sans cette réflexion préalable, les efforts pour créer un document pourraient finalement ne pas toucher ceux qui en ont le plus besoin.
2. Le tri des informations : aller à l’essentiel
La première étape, selon Cécile Rouyer, est d’apprendre à trier l’information. « On reçoit souvent des contenus très denses, mais l’essentiel n’est pas forcément dans la quantité. Il faut savoir garder ce qui sert vraiment à son public », souligne-t-elle. En effet, un texte trop long ou trop technique risque de perdre le lecteur. C’est en prenant du recul sur le contenu que l’on peut dégager ce qui est nécessaire et laisser de côté ce qui est superflu.
Cette étape n’est pas facile pour les entreprises ou organisations, car cela demande de se mettre à la place du lecteur final. « Ce n’est pas toujours évident de comprendre les besoins des autres, surtout si on n’est pas confronté à leurs réalités. C’est là où l’échange avec le public est primordial », ajoute-t-elle.
3. Un design épuré et lisible
Le design joue un rôle fondamental dans l’accessibilité de l’information. « Un texte a besoin de respirer ». L’usage d’espaces, de marges bien définies et d’une structure claire permet d’améliorer considérablement la lisibilité d’un document.
Les choix typographiques sont également très importants. Il est primordial d’utiliser des polices de caractères lisibles, avec un contraste suffisant pour être perçues même par des personnes ayant des troubles visuels. Cela inclut aussi la taille du texte : trop petit, il devient difficile à lire ; trop grand, il perd en clarté.
4. Impliquer les utilisateurs dans la création des supports
Pour garantir que l’information est bien accessible, Cécile insiste sur l’importance de tester les supports auprès du public impliqué. « Personne ne connaît mieux les difficultés de lecture qu’une personne concernée. Leur retour est indispensable pour ajuster les supports et les rendre vraiment adaptés à leurs besoins. »
C’est un point souvent négligé dans la création de supports de communication, mais il est indispensable. Cette étape permet d’affiner le message et la forme pour qu’ils correspondent aux attentes des lecteurs. Ce peut être à l’occasion d’ateliers collaboratifs ou des retours d’expériences.
L’influence de la méthode FALC
La méthode FALC (Facile à Lire et à Comprendre) est un outil dont s’inspire Cécile Rouyer dans son travail. Cette méthode propose des règles simples pour rendre l’information plus compréhensible par tous, notamment pour les personnes handicapées mentales.
Elle ne la pratique pas encore, car il y a des normes à respecter, comme faire valider les documents par des personnes handicapées. Cependant, cet outil est une très bonne base pour la conception des documents.
Contrairement à une idée reçue, rendre un document accessible ne veut pas dire qu’il doit être basique ou peu esthétique. « L’accessibilité ne rime pas forcément avec austérité », ajoute Cécile. « On peut créer des documents beaux et faciles à comprendre. » Elle ajoute donc des petites touches graphiques simples, mais sympas, pour ajouter un peu d’attractivité. L’objectif est de contrer cette idée reçue : « si c’est accessible, c’est forcément moche ». Ce n’est pas vrai ! « C’est une question de détail et de réflexes à acquérir pour mettre une petite touche de déco qui fait plaisir à l’œil. »
Des retours positifs des clients
Cécile reçoit régulièrement des retours positifs sur ses créations. Elle évoque notamment un projet récent : un dépliant de bienvenue destiné aux réfugiés. « Le retour a été très positif, tant de la part des utilisateurs que des équipes. Le document était clair, accueillant et surtout utile. Avant, il était dense et pas adapté aux personnes allophones. Nous avons réussi à le rendre beaucoup plus simple et intuitif. »
Les projets de ce type montrent bien l’importance d’une information accessible, surtout pour des publics vulnérables qui ont besoin de repères clairs dans leur quotidien.
Des conseils pratiques pour améliorer vos supports
Pour ceux qui souhaitent rendre leur communication plus accessible, Cécile propose quelques conseils simples, mais efficaces :
- Soyez concis : Ne surchargez pas vos documents. Allez directement à l’information essentielle.
- Laissez de l’espace : Un texte aéré est plus agréable à lire et permet au lecteur de se concentrer sur l’information principale.
- Utilisez des titres clairs et une hiérarchie visuelle : Structurez vos documents de manière logique, avec des titres bien visibles et une progression fluide dans les paragraphes.
- Testez et ajustez : Faites relire vos documents par des personnes concernées et adaptez-les en fonction de leurs retours.
Qui est Cécile Rouyer ?
Designer graphique depuis plus de dix ans, Cécile Rouyer a fondé l’Atelier Senuba pour allier son métier à ses convictions en matière d’accessibilité. Elle accompagne ses clients vers des solutions de communication plus inclusives, tout en gardant une esthétique soignée.
En parallèle, elle a lancé L’éclaircie, une newsletter dédiée aux bonnes pratiques de la communication accessible. Elle propose des conseils pratiques sur le langage clair, l’accessibilité numérique et la rédaction inclusive.
Terminons sur ces mots : « Tout va bien se passer !
En général, les questions de communication accessible, de graphisme accessible, d’accessibilité numérique est un domaine souvent méconnu, mais qui amène de plus en plus de curiosité. J’ai la sensation que ça fait un peu peur. Je travaille beaucoup avec des petites équipes, des petites structures et des indépendants. Ils ne savent pas trop par où commencer et ça leur parait très technique. Mais en fait, il y a plein de pratiques qui sont plutôt simples à mettre en place. On peut s’en emparer petits pas par petits pas. C’est possible d’avoir de bonnes pratiques pour sa communication accessible. Des pratiques à la portée de chacun. ». Cécile Rouyer
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