Écouter cet articleEn cette pré-rentrée, nous avons le plaisir de donner la parole à Christophe Roth, Président de l’Agefiph. L’occasion de faire le point sur la situation actuelle de l’emploi des personnes en situation de handicap, des actions menées ces derniers mois et plus largement de son mandat depuis 2021.
A quelques semaines de la 28ème SEEPH, quelle est la situation actuelle de l’emploi des personnes en situation de handicap en France ?
L’emploi des personnes handicapées progresse légèrement.
Avec près de 3,1 millions de personnes ayant une reconnaissance administrative de handicap, la population des personnes en situation de handicap progresse de 5 % en 2023 (représentant 7,5% de l’ensemble de la population d’âge actif ).
Nous enregistrons une légère progression du taux d’activité et du taux d’emploi des personnes handicapées qui atteignent respectivement 45% et 39%.
Le taux de chômage quant à lui est de 12%, soit un niveau stable par rapport à l’année 2022. Si les recrutements sont en baisse, ils sont compensés par une augmentation des maintiens dans l’emploi :
- En 2023, on observe une baisse des recrutements : les embauches de personnes handicapées ont diminué de 6 % en un an (-4 % pour l’ensemble des publics).
- Plus de 200 000 demandeurs d’emploi handicapés ont accédé à un emploi en 2023 et le maintien dans l’emploi a progressé de 4% en un an.
Sur quoi l’action de l’Agefiph s’est-elle concentrée depuis que vous en êtes le Président ?
Les priorités de l’Agefiph sont revues régulièrement en fonction de l’évolution de la situation de l’emploi des PH. Dans un contexte de contraction des dépenses publiques, la tentation est de transférer à l’Agefiph davantage de charges ce qui limitent sa capacité propre à mener sa politique et à prioriser les actions qui lui semblent les plus pertinentes.
Il y a bien une contraction du budget disponible ; ce qui peut amener à poser la question de la priorisation des missions. Toutefois l’Agefiph a d’autres moyens d’agir car elle n’est pas seule. Elle n’a pas seulement vocation à financer. C’est également un organisme qui s’appuie sur une expérience, une expertise, qu’elle met à disposition des acteurs qui travaillent sur l’ensemble des publics.
Quelles ont été les résultats concrets obtenus au cours de votre mandat ?
Après des années d’augmentation, le chômage de longue durée et notamment de très longue durée a diminué en 2022 : le nombre de DEBOE (demandeur d’emploi bénéficiaire de l’obligation d’emploi) inscrits à Pôle emploi (France Travail) depuis plus de deux ans a diminué de 15% en un an.
Plus de 1,1 million de personnes en situation de handicap sont en emploi. C’est la première fois que ce seuil est atteint.
Nous pouvons aussi mesurer nos actions. Notamment sous l’angle budgétaire. Toutefois nous ne pouvons mesurer celles de nos partenaires sur leur sphère d’influence. C’est une démarche conjuguée.
L’Agefiph véhicule une vision, une démarche inclusive. Une personne handicapée est d’abord une personne qui peut être accompagnée par plusieurs acteurs. D’où une action partagée difficilement mesurable dans sa globalité !
Certains secteurs sont en tension et ne parviennent pas à recruter. Comment accompagnez-vous, à l’Agefiph, les entreprises de ces secteurs pour se tourner vers les personnes en situation de handicap ?
Beaucoup de secteurs manquent de main d’œuvre. Nous faisons le pari depuis plusieurs années d’orienter les demandeurs d’emploi en situation de handicap vers ces secteurs.
Près de 80% des demandeurs d’emploi handicapés ont un niveau de formation inférieur au bac. Pourtant, ce sont des personnes compétentes et ouvertes à l’emploi qui constituent un vivier de talents inestimable pour les employeurs.
Il est donc nécessaire de démystifier l’embauche de PSH et faire comprendre aux recruteurs qu’il est possible d’élargir le spectre de leurs recrutements, de s’ouvrir à des talents différents. Surtout sur les secteurs en tension (hôtellerie, transports, numérique…)
En particulier, que peuvent mettre en place les TPE pour recruter des salariés en situation de handicap dans les meilleures conditions ? On dit qu’elles sont un levier d’emploi important.
Cela ne dépend pas de la taille et du secteur des entreprises. Pour les TPE, cela fonctionne souvent par le bouche à oreille. L’Agefiph se fait un devoir d’informer les entreprises de toute taille dans une perspective de démystification du handicap loin des idées reçues.
Faire travailler le secteur adapté, embaucher des travailleurs handicapés, accueillir des stagiaires handicapés et aussi être attentives au handicap de leurs salariés sont des exemples d’actions que peuvent mener les TPE.
L’Agefiph lance et anime de nombreuses actions sur le terrain. Quelles sont celles qui ont été le plus efficace au cours de votre mandat ?
Probablement la mise en place des référents handicap dans les entreprises de plus de 250 salariés qui a renforcé l’action d’animation et de professionnalisation des acteurs par l’Agefiph.
C’est pour cela qu’a été mis en place l’université du réseau des référents handicap, un rendez-vous annuel de l’ensemble des acteurs qui participent à l’inclusion des personnes handicapées dans les entreprises, mais également dans les organismes de formation, les Centres de Formation des Apprentis et autres organismes, doit réunir sur place et à distance près de 3.000 participants qui oeuvrent pour l’embauche de travailleurs handicapés, à leur formation, reclassement ou maintien dans l’emploi, avec des aspects qui intéressent et impliquent le grand public.
En 2023, vous avez créé l’ESPA, l’Espace Scientifique et Prospectif de l’Agefiph, un organisme composé de 9 personnes expertes et ayant pour objectif de proposer des solutions concrètes efficaces pour lever les freins à l’emploi des personnes handicapées.
Quelles recommandations ont été apportées jusqu’à présent ?
L’ESPA a été créé de façon expérimentale pour deux ans. Un bilan sera réalisé à l’issue de l’expérimentation courant 2025
Les membres de l’ESPA se sont réunis à 4 reprises. Ces séquences ont permis de caler les règles de fonctionnement, de travailler une feuille de route et d’apporter une première contribution sur le premier thème de la feuille de route.
Voici les trois priorités de travail :
- Les conditions d’atteinte du plein emploi des personnes en situation de handicap,
- Les voies et moyens d’amélioration du maintien dans et en emploi des personnes en situation de handicap
- Le renforcement du pouvoir d’agir dans l’emploi des personnes en situation de handicap en s’appuyant notamment sur les logiques de savoirs expérientiels et de rétablissement (effet capacitant du travail) en particulier pour les personnes présentant un handicap invisible.
Le plan stratégique en cours doit se dérouler jusqu’en 2027. Quelles sont les actions prioritaires à accomplir au cours des trois prochaines années pour atteindre les objectifs fixés dans ce plan ?
S’inscrire, en continuité, au coeur des orientations prises dans le cadre du plan stratégique. La contrainte financière est l’occasion d’anticiper des évolutions qui se seraient mises en place dans un rythme potentiellement moins rapide,
S’inscrire dans une logique de complémentarité avec les dispositifs des acteurs de « droit commun » et leurs évolutions en cours,
Maintenir la capacité d’action de l’Agefiph sur les champs de la compensation du handicap et de l’accompagnement des acteurs : entreprises, organismes de formations, acteurs de l’emploi, de la formation professionnelle, de la santé au travail et du handicap,
Limiter les impacts pour les personnes en situation de handicap.
Souhaitez-vous faire passer un message particulier à nos lecteurs ?
J’ai vécu une mandature intense : 4 ministres en 3 ans ; un bouleversement de l’écosystème handicap avec la création de France Travail…
J’ai eu la volonté de faire évoluer les lignes et le taux d’emploi. Les choses bougent. Les JOP offrent des opportunités. Mais il ne faut rien lâcher.
Cette mandature a revu les statuts de l’Agefiph en profondeur dans une optique d’apporter toujours plus aux PSH, aux salariés, aux entreprises en étant concret et toujours au plus proche des territoires.
L’adoption du Plan stratégique en 2023 en est la traduction tangible.
Résultats 2023 de l’Agefiph
