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Comprendre et défendre les victimes d’un dommage corporel : Rencontre avec Maître Catherine Meimon Nisenbaum

Portrait de Catherine Meimon Nisenbaum, avocate spécialisée en droit du dommage corporel
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Catherine Meimon Nisenbaum est une avocate reconnue pour sa spécialisation en droit du dommage corporel, avec une expérience de 30 ans dans cette matière exerçant depuis plus de 40 ans. Après des débuts dansle droit immobilier et en droit du dommage corporel au sein du cabinet de son père, André Meimon, elle a créé son propre cabinet en droit de l’immobilier. Puis elle a définitivement choisi de réorienter sacarrière pour se consacrer pleinement et exclusivement à la défense des victimes de préjudices corporels.

Ce choix a été motivé par des expériences personnelles et professionnelles marquantes : un grave accident médical et une rencontre déterminante avec le Dr Jean-Étienne Laulla. Celui-ci lui a en effet transmis une compréhension profonde des victimes traumatisées crâniennes et des défis que rencontrent les personnes en situation de handicap et le monde du handicap.

En parallèle de son activité d’avocat, elle a coécrit avec son fils et confrère, Nicolas Meimon Nisenbaum, plusieurs ouvrages et articles visant à rendre la compréhension du droit accessible aux victimes pour une meilleure information.

À l’occasion de la sortie de son nouveau livre, « 25 ans en droit du dommage corporel, vie quotidienne », Catherine Meimon Nisenbaum s’est confiée à Handirect. Elle revient sur son parcours et souligne pourquoi la spécialisation est indispensable pour assurer une défense efficace des victimes.

« Pourquoi vous êtes-vous spécialisée en dommage corporel ?

Cette spécialisation a été une étape importante de ma vie, motivée par une rencontre déterminante avec le docteur Laulla. À cette époque, je travaillais dans le domaine du droit immobilier, au sein des travaux publics. J’avais mon cabinet et je défendais de grandes sociétés. Cependant, malgré le prestige de cette activité, j’avais un profond sentiment d’inutilité.

Le déclic est venu après une journée entière passée à discuter avec le docteur Laulla. Cela m’a permis de comprendre l’importance de m’engager dans un domaine où je pouvais faire une réelle différence. Ce choix faisait également écho à mon père, qui était lui-même spécialisé en dommage corporel. Il m’a appris mes premières bases dans cette matière et la procédure civile, cette arme essentielle. Il m’a également appris à ne jamais renoncer à une défense et de le dire haut et fort.

Cependant, à l’époque, je ne me sentais pas prête. Défendre des victimes gravement blessées face à des compagnies d’assurance, des mutuelles et des fonds de garantie nécessite une importante force mentale. Je savais que je n’avais pasencore cette solidité intérieure. Ce n’est qu’avec le temps que j’ai développé cette force, ce qui m’apermis de revenir vers cette spécialisation avec assurance.

Ce choix n’était pas seulement une décision professionnelle, mais aussi personnelle. J’ai ressenti une proximité forte avec les victimes : leurs faiblesses, leurs épreuves faisaient écho aux miennes. Mon parcours et mes propres défis m’ont permis de mieux les comprendre, ce qui a nourri mon envie de me battre pour elles.

Défendre les victimes de dommage corporel : une question de force

Quand on défend des victimes, il ne s’agit pas seulement de compétences juridiques : il faut également une force mentale inébranlable. Votre adversaire, qu’il s’agisse d’une compagnie d’assurance ou d’une autre partie, perçoit si vous êtes fort ou faible. Et cela influence directement le déroulement et l’issue du dossier.

Travailler avec des victimes m’a appris que cette force est essentielle. Ces personnes ont souvent tout perdu et comptent sur nous pour leur permettre de reconstruire leur vie. Elles s’accrochent à l’idée que leur avocat saura les défendre, même dans les situations les plus complexes.

Paradoxalement, c’est en aidant ces victimes que j’ai moi-même puisé une grande partie de cette force. Voir leur résilience face à l’adversité m’a donné une source d’inspiration et un courage que je n’avais pas au début de ma carrière. Cela m’a aussi appris que défendre quelqu’un, ce n’est pas simplement gagner un procès ou obtenir une indemnisation : c’est redonner confiance à des personnes brisées et leur offrir une chance de se relever.

Le droit des dommages corporels : évolution et perspectives

Depuis 25 ans, le droit des dommages corporels a beaucoup évolué, notamment en ce qui concerne les indemnisations. Par exemple, sur certains postes de préjudice, les montants ont été multipliés par quatre. C’est une avancée significative qui témoigne d’une meilleure prise en compte des besoins des victimes et de leur vie. Cependant, malgré cette progression, il reste des lacunes importantes qui peuvent être corrigées.

Prenons le cas de l’indemnisation de la tierce personne. Cette aide, pourtant essentielle pour les victimes les plus gravement blessées, n’est toujours pas évaluée à sa juste valeur. Les montants ne couvrent pas toujours les coûts réels ni les charges financières qu’impose une telle assistance et le nombre d’heures ou leur qualification pour couvrir ce besoin qui sont évaluées par les médecins sont souvent insuffisantes.

Que de même, si les préjudices patrimoniaux sont beaucoup mieux indemnisés, il n’en va pas de même des préjudices personnels (exemple : souffrances endurées, préjudice d’agrément, esthétique, sexuel, moral…) dont les montants sont dérisoires. Une victime a du mal à comprendre que sa vie personnelle ne vaut pas grand-chose. Ce n’est pas seulement une question d’indemnisation mais aussi d’humanité. C’est une situation choquante et inadmissible.

La spécialisation des juridictions

Un autre aspect important est la spécialisation des juridictions. À Paris, nous avons la chance de bénéficier de chambres spécialisées en droit du dommage corporel, ce qui permet une meilleure compréhension des dossiers, une meilleure indemnisation et une évolution plus rapide et plus sûre de la jurisprudence.

En revanche, hélas, dans de nombreuses autres villes, les dossiers de dommage corporel sont encore jugés par des juges non spécialisés. Ces derniers doivent souvent juger des affaires très variées, comme des divorces, des loyers ou d’autres contentieux, en même temps que celles des personnes atteintes d’un dommage corporel. Cela complique leur capacité à rendre des décisions adaptées à la réalité des victimes et à faire avancer la jurisprudence.

La spécialisation est importante pour les avocats et aussi pour les juges pour que cette matière si essentielle qui défend la vie humaine dans toutes ses spécificités soit assurée pour une meilleure défense des personnes en situation de handicap.

Des procédures d’urgence

Il faudrait aussi mettre en place des procédures d’urgence au fond, et non uniquement en référé pour permettre aux victimes d’être jugées plus vite. De même, il n’est pas admissible de les laisser attendre longtemps dans des situations précaires et anxiogènes. Il suffirait de mettre en place une chambre supplémentaire pour les procédures d’urgence.

Il faudrait aussi que les juges des référés statuant sur les mesures d’urgence et notamment sur les provisions (essentielles aux victimes pour patienter en attente de leur procès) soit confiés à des juges spécialisés.

Les experts judiciaires

Enfin, la question des experts judiciaires est également centrale. Ces professionnels jouent un rôle clé dans l’évaluation des préjudices. Seulement, il manque aujourd’hui des experts capables de comprendre pleinement les besoins des victimes. Les compagnies d’assurance, mutuelles et fonds de garantie contestent souvent leurs évaluations favorables, ce qui peut décourager certains experts. Or, pour obtenir une indemnisation juste, il est indispensable que les médecins comprennent et reconnaissent tous les besoins des victimes.

Meilleure implication des juges

Les juges pourraient également être plus impliqués dans ce processus. Par exemple, leur présence lors des expertises médicales importantes permettrait de mieux comprendre les situations concrètes des victimes, leurs besoins, au-delà des simples rapports écrits. Quand on lit sur papier par exemple qu’une personne a besoin de « deux heures d’assistance », cela n’a rien à voir avec la réalité que l’on perçoit en la voyant complètement démunie.

Par exemple pour une personne traumatisée crânienne avec un taux d’invalidité avoisinant les 50 %, il n’est pas rare de voir des besoins en tierce personne évaluée à 2 heures par jour, voire moins, alors que leur handicap est important et que l’évaluation n’est pas suffisante.

Livre "25 ans en droit du dommage corporel - vie quotidienne" de Catherine Meimon Nisenbaum

Votre livre sur le dommage corporel : un guide pour les victimes

Mon livre « 25 ans en droit du dommage corporel, vie quotidienne » s’adresse avant tout aux victimes. Il vise à répondre aux nombreuses questions qu’elles se posent tout au long de leur parcours. Il est notamment composé de 80 articles que j’ai souvent co-écrits avec mon fils, Nicolas Meimon Nisenbaum, au fil des années.

Ces articles couvrent des thématiques variées, comme le préjudice professionnel, les préjudices d’agrément et sexuel, les aides humaines et techniques, le logement, ou encore des sujets aussi spécifiques que la tutelle et curatelle, les évolutions législatives, les erreurs médicales, la transaction, l’expertise. À chaque fois qu’un sujet d’actualité ou une question importante surgissait, j’en faisais en général un article pour éclairer et accompagner au mieux les victimes.

Chaque article a été rédigé dans un style clair et accessible, en privilégiant des mots simples pour que les victimes puissent s’approprier ces informations. L’objectif a toujours été de vulgariser des notions complexes afin que les victimes comprennent pleinement les étapes de leur indemnisation et les enjeux de leur situation.

Nous avons également intégré une approche pédagogique dans ce projet, inspirée de notre travail précédent sur le « Guide de l’indemnisation juridique-médicale-sociale », réédité en 2011. Ce guide que j’ai co-écrit avec Nicolas Meimon nisenbaum et le Docteur Etienne Grondard contient plus de 700 définitions juridiques, médicales et sociales, d’un même mot, adaptées et simplifiées pour rendre ces termes compréhensibles au plus grand nombre. Nous sommes fiers de cette démarche, qui reflète notre engagement envers une information claire et accessible.

Avec ce livre, je souhaite avant tout offrir aux victimes des clés pour mieux appréhender leur combat. Ce n’est pas seulement un livre d’information, c’est aussi un témoignage de mon engagement à leurs côtés.

Et la suite ?

Une deuxième partie de ce projet est en préparation, et s’intitulera je pense « 25 ans en droit du dommage corporel : procès et transactions » et sortira dans les mois à venir. Ce nouveau livre sera plus personnel, car il se concentrera sur des dossiers marquants de ma carrière, sur des articles co-écrits et des procès et transactions co-défendus souvent avec mon fils Nicolas Meimon Nisenbaum.

Ces procès et transactions relatent des histoires juridiques et humaines qui sont vraies, souvent complexes, avec des indemnisations importantes qui ont changé la vie des victimes et de leurs familles et qui leur ont permis de continuer leur chemin de vie en toute sécurité.

Par exemple, nous avons travaillé sur des dossiers où l’indemnisation est passée de zéro à une indemnisation de plusieurs millions d’euros. Et aussi de zéro jusqu’à 19 fois voire 32 fois plus élevées, sans compter les partages de responsabilités infondées. De ce fait, nous souhaitons montrer aux victimes pourquoi il est important de se battre et de choisir un avocat spécialisé. Un avocat qui connaît parfaitement les rouages de ce domaine et peut réellement faire la différence.

Ce livre sera aussi une façon d’illustrer un message clé : l’indemnisation ne se limite pas à des questions financières. Pour beaucoup de victimes, c’est leur unique chance de reconstruire leur vie, de retrouver une forme d’autonomie, ou de couvrir des besoins vitaux comme l’assistance par une tierce personne, des aides techniques comme un véhicule et un logement adaptés. Quand l’indemnisation se termine et qu’elle est réussie, enfin, une nouvelle vie commence pour les victimes et leurs familles, loin des tracas indemnitaires et judiciaires.

Vos conseils aux victimes de dommages corporels

Pour une victime, le parcours pour obtenir une indemnisation juste est souvent complexe. Voici les étapes et quelques recommandations pour bien se défendre :

1. Conservez toutes vos pièces importantes

La première chose à faire est de garder précieusement tous les documents liés à votre parcours : rapports médicaux, comptes rendus de centres de rééducation, justificatifs d’achat de petits matériels, aides techniques, etc. Conserver aussi toutes les pièces administratives, scolaires et professionnelles. Ces pièces sont fondamentales pour constituer un dossier solide. Il est également indispensable de toujours conserver les originaux. Faites des copies pour votre avocat. Cela facilite grandement le processus et évite les pertes.

2. Choisissez un avocat spécialisé

Le droit du dommage corporel est une spécialisation complexe. Il est important de faire appel à un avocat qui connaît parfaitement cette spécialité et aussi ses pratiques. Ce professionnel sera en mesure de vous guider à chaque étape, que ce soit pour préparer et assister à une expertise médicale ou technique, choisir entre une transaction et un procès, récuser un expert judiciaire si nécessaire, ou choisir la juridiction qui défend le mieux la jurisprudence qui s’applique à votre dossier.

Par exemple, dans certains cas, lorsque la jurisprudence de certains tribunaux n’est pas favorable au dossier de la victime, de même pour l’expertise, il peut être préférable de privilégier une transaction. À l’inverse, si les conditions le permettent, aller en justice peut permettre d’obtenir des résultats bien plus avantageux. Un avocat spécialisé sait s’adapter à ces situations et orienter son client vers la meilleure stratégie.

3. Méfiez-vous des compagnies d’assurances

Certaines compagnies d’assurances n’hésitent pas à contacter directement les victimes, parfois dès leur hospitalisation, pour leur proposer des provisions et de transiger. Bien que cela puisse paraître pratique, ces propositions sont souvent loin de refléter la réalité des besoins des victimes. Rappelez-vous que l’assurance n’est pas un service public, mais une entité commerciale dont le but par sa forme est de réaliser des bénéfices.

Votre avocat est là pour évaluer ces propositions et déterminer si elles sont équitables et fondées. Une fois que vous avez choisi un avocat compétent, vous devez lui faire pleinement confiance et vous reposer sur lui.

4. Prenez le temps de choisir la bonne personne pour vous représenter

Chaque victime a un parcours unique. Trouver un avocat qui vous correspond est essentiel, car il s’agit souvent d’un travail de longue haleine. Si votre avocat ne répond pas à vos attentes, n’hésitez pas à en changer. Ce combat, c’est le vôtre, et il mérite d’être porté par une personne qui comprend vos besoins et vos objectifs.

Une dernière chose à ajouter ?

Il ne faut pas oublier le travail des médecins hospitaliers et des centres de rééducation fonctionnelle et de toutes leurs équipes para-médicalisées et administratives qui permettent aussi une meilleure réparation des dommages et de la vie humaine. Je vois des personnes gravement handicapées qui peuvent reprendre le court de leur vie, alors qu’à mes débuts, ces personnes seraient surement décédées. Il faudrait mettre plus souvent à l’honneur toutes ces personnes du corps médical qui sauvent des vies, qui donnent des soins et les progrès de la médecine.

A titre personnel, je suis très heureuse de pouvoir continuer mon métier d’avocat pour la défense des victimes qui est ma passion. Et aussi d’avoir passé le relais, comme mon père l’a fait, à mon fils, au cabinet Meimon Nisenbaum Avocats.

Je suis très heureuse aussi que votre média me donne la possibilité de m’exprimer. J’ai le sentiment que le monde du handicap se structure de plus en plus, ce qui est une avancée essentielle, mais il ne doit pas perdre une notion essentielle, celle de l’humain. Mais il est primordial que cette structuration n’entrave pas l’accès à l’information. Pour moi, l’information doit rester ouverte et fluide, surtout lorsqu’il s’agit de défendre des personnes en situation de handicap. On me dit souvent que c’est compliqué, mais en réalité, ce n’est pas aussi difficile qu’on le pense. Avec une bonne communication et des outils adaptés, nous pouvons faire une vraie différence.

Merci à Handirect pour cette opportunité. »

Le Cabinet Meimon Nisenbaum Avocats, Spécialiste en droit du dommage corporel, se situe à Paris. Voici leur site internet : www.meimonnisenbaum.com/fr/

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