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Indemnisation du préjudice d’agrément : éclairage juridique

préjudice d'agrément pour indemniser les loisirs
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Après un accident, un dommage corporel peut empêcher la victime de pratiquer son activité favorite : tennis, ping-pong, jouer de la musique, faire du jardinage… C’est un préjudice retenu dans le nomenclature Dintilhac[1] et il peut avoir des conséquences non négligeables sur le quotidien de la victime. Me Romy Collard, avocate associée au cabinet Jehanne Collard et Associés, revient sur ce poste de préjudice et son indemnisation.

Maître, pouvez-vous expliquer à nos lecteurs ce que l’on désigne comme le préjudice d’agrément ?
Me Romy Collard : Comme le prévoit la nomenclature Dintilhac, parmi les postes de préjudices dont la victime d’un accident est fondée à demander réparation, figure le préjudice d’agrément, c’est-à-dire l’indemnisation du dommage lié à l’impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir. À l’origine, le préjudice d’agrément concernait uniquement les dommages empêchant la victime de pratiquer un sport ou une activité culturelle ou artistique. Par la suite, les tribunaux ont élargi cette définition à l’ensemble des plaisirs du quotidien comme faire des promenades, du jardinage… En outre, ce poste de préjudiceest apprécié in concreto en tenant compte de tous les paramètres individuels de la victime (âge, niveau de compétence dans l’activité, fréquence de la pratique….). Deux arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation de 2018  (29 mars 2018 et 5 juillet 2018) ont pratiqué une extension de la notion de préjudice d’agrément en complétant la définition de ce chef de préjudice, qui va dans le sens de l’indemnisation intégrale des préjudices des victimes de la route.

Après un accident, l’état psychologique de la victime peut-il être considéré comme une impossibilité à la pratique d’une activité ?
Me Romy Collard : Tout à fait, l’état psychologique de la victime à la suite d’un accident peut caractériser l’impossibilité pour elle de continuer à pratiquer régulièrement une activité (Civ. 2, 5 juillet 2018, n°16-.21-776).

Ce préjudice concerne-t-il toutes les activités ?
Me Romy Collard : Oui, ce poste de préjudice concerne toutes les activités sportives, culturelles, ludiques qui sont devenues impraticables ou limitées à cause des séquelles de l’accident.  Par ailleurs, la jurisprudence indemnise à partir du moment où une personne n’est pas dans sa pleine capacité de pratiquer une activité spécifique. Le juge évalue la capacité de la victime à exercer sa passion dans les mêmes conditions qu’avant l’accident. Les douleurs, la fatigue, la perte de mobilité peuvent entraver sa pratique, sans pour autant la rendre impossible.

Comment évaluer et indemniser le préjudice d’agrément ?
Me Romy Collard : En matière de responsabilité, il est impératif de justifier un dommage certain pour être indemnisé. La conception du préjudice d’agrément, retenue par la Cour de cassation, impose à la victime de prouver son préjudice de façon précise. Les preuves apportées doivent donc permettre de démontrer l’exercice antérieur de son activité, les dommages subis et le lien de causalité entre l’accident et le préjudice. Quand le dossier est constitué, il est soumis à un médecin-expert. Ce dernier devra définir la nature et l’ampleur des dommages corporels ou psychologiques endurés par la victime. Afin d’ être indemnisé du préjudice d’agrément, il convient d’évoquer auprès du médecin expert l’impossibilité pour la victime de faire telle ou telle activité. C’est assez rare d’ailleurs  que l’expert pose la question spontanément à la victime sur son préjudice d’agrément.  C’est pourquoi, la  victime devra  à l’occasion de l’expertise médicale remettre toutes ses doléances au médecin-expert.

Quelles sont les preuves à fournir par la victime  ?
Me Romy Collard : S’agissant de la preuve, la Cour de cassation a sanctionné une Cour d’appel qui avait retenu qu’en l’absence de document établissant sa fréquentation habituelle d’une salle de sports, de musculation, d’un club de sport ou d’un stade d’entraînement, les attestations produites étaient insuffisantes pour justifier l’indemnisation de l’impossibilité de pratiquer le foot entre amis. Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constats de sorte qu’en l’absence de licences sportives ou autres éléments de ses propres objectifs, des attestations de témoins peuvent suffire à établir la réalité de ce préjudice ( Civ.2, février 2020 n° 19-10-572). Donc pour évaluer le préjudice d’agrément, les tribunaux prennent en compte des éléments multiples, tels que l’importance des activités restreintes, la fréquence à laquelle elles étaient pratiquées avant le dommage, les conséquences émotionnelles de la perte de plaisir et de l’incapacité à les pratiquer ; les preuves peuvent être des attestations d’une inscriptions à un club comme une licence ou encore des témoignages.

L’accompagnement par un avocat spécialisé en droit du dommage corporel semble recommandé ?
Me Romy Collard : Au regard de la complexité des procédures d’indemnisation, des difficultés rencontrées avec les compagnies d’assurances, il est plus sage de consulter un avocat spécialisé en droit du dommage corporel pour obtenir des conseils juridiques personnalisés et précis. D’autant que les conditions peuvent varier en fonction des circonstances spécifiques de chaque accident, de chaque victime.


[1] La nomenclature Dintilhac est une classification des postes de préjudices indemnisables en cas de dommage corporel. Elle a été établie par un groupe de travail présidé par M. Jean Pierre Dintilhac , président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en 2002. Lien : https://www.collardetassocies.org/lexique-dommage-corporel/nomenclature-dintilhac

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