Yannick Ifebe défend les couleurs de la France en escrime fauteuil lors des Jeux Paralympiques 2016 de Rio.
En mai dernier, lors des championnats d’Europe de Turin 2016, il a été sacré champion d’Europe en individuel (à l’épée) et champion d’Europe (en équipe) au sabre avec Ludovic Lemoine, Romain Noble et Marc-André Cratère. C’est donc dans les meilleures conditions que Yannick Ifebe, jeune escrimeur aussi passionné que déterminé, aborde les Jeux Paralympiques 2016 à Rio. Il aura à cœur de décrocher une nouvelle médaille d’or pour compléter son palmarès. Âgé de 24 ans, il pratique l’escrime depuis qu’il a 8 ans.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 24 ans et je suis membre de l’équipe paralympique d’escrime handisport. J’étais étudiant jusqu’en septembre de l’année dernière – j’ai fait 5 ans d’études de droit. Là j’ai mis mes études entre parenthèses pour vraiment me concentrer à 100% sur l’escrime. Et en février dernier, j’ai signé un contrat avec le Ministère de la Défense pour représenter ce ministère en tant que sportif de haut niveau. Je suis rémunéré pour pratiquer l’escrime à haut niveau et en contrepartie j’ai des représentations à faire pour le Ministère de la Défense et les Armées, avec essentiellement un rôle de sensibilisation, par exemple lors de journées handicap. Cela me permet de pouvoir vivre de mon sport pour l’instant.
Pouvez-vous nous parler de votre handicap ?
J’ai une paraplégie. J’ai été opéré d’une hernie à l’âge de trois mois, et cela a dégénéré suite à une erreur médicale, ce qui fait que je suis devenue paraplégique. Comme c’était à trois mois, c’est un peu comme si j’avais ce handicap depuis ma naissance. J’ai donc toujours vécu en situation de handicap. J’ai été pendant longtemps dans un centre spécialisé, jusqu’au lycée où là j’étais avec des valides, et ensuite j’ai fait la fac.
Racontez-nous votre parcours sportif.
Je pratique l’escrime depuis l’âge de huit ans. Dans le centre spécialisé où j’étais, on nous proposait beaucoup d’activités sportives. J’ai un peu tout essayé, le tennis, l’athlétisme, le basket… et j’ai finalement retenu deux sports : le basket et l’escrime. Du coup j’ai continué à faire les deux en même temps, jusqu’à ma première année de fac, où ça devenait compliqué d’allier mes études et deux sports à côté. J’ai dû faire un choix et j’ai préféré me concentrer sur l’escrime. Puis j’ai intégré l’équipe de France handisport d’escrime il y a deux ans, lors des championnats d’Europe de Strasbourg.
Depuis je fais pas mal de compétitions. Nous en avions une récemment – le championnat de Varsovie (juillet 2016), la dernière épreuve de coupe du monde avant les Jeux. Sinon, nous enchaînons souvent avec des stages, des compétitions nationales et internationales. On est beaucoup amenés à voyager.
Qu’est-ce qui vous plaît dans l’escrime ?
L’escrime je trouve que c’est un sport qui est beau et complet. Il allie la vitesse, la réflexion, la stratégie, l’intelligence de jeu et la précision. C’est toute cette complémentarité qui m’a plus dans cette discipline. Ce n’est pas un sport qui est assis sur une seule chose, il prend en compte le physique, la technique, l’intelligence… Je pense qu’il y a de l’intelligence de jeu dans tous les sports, mais que c’est très marqué dans l’escrime, et ce qui me plaît et qui fait que j’ai continué d’ailleurs.
Quand avez-vous appris votre sélection pour les Jeux paralympiques ?
Pour l’escrime il y avait des critères. Pour être sélectionné, il fallait être parmi les dix premiers. Du coup, celui qui était champion d’Europe était sûre d’être sélectionné pour les Jeux. J’ai gagné les championnats d’Europe fin mai 2016, du coup, même si on n’avait pas le droit de communiquer avant le 7 juin, j’étais déjà sûr d’y aller. Dès que j’ai fini mon match, je le savais. Forcément il y a beaucoup d’excitation, je suis très heureux d’y aller d’autant plus que ce sera mes premiers Jeux. J’attends avec impatience d’aller défendre mes chances.
Les Jeux Paralympiques, qu’est-ce que ça représente pour vous ?
Je pense que pour tout sportif de haut niveau, y compris pour les athlètes qui font les Jeux Olympiques, l’aboutissement de toute une carrière c’est d’aller aux Jeux et de faire une médaille. Les Jeux c’est quand même quatre ans de travail et de sacrifices pour au final une journée de compétition. On dit toujours que les Jeux c’est vraiment une compétition à part, un autre monde, même par rapport aux championnats d’Europe ou championnats du Monde. Ça crée de la pression mais je pense que c’est de la bonne pression. Après je verrai lors des Jeux, peut-être que cette pression sera décuplée ou pas du tout. Peut-être que ça va me transcender ou me tétaniser, je verrai, mais en tout cas je pense que ça va aller.
Parlez-nous de votre préparation aujourd’hui.
Je m’entraîne quatre fois par semaine : lundi, mardi, mercredi et vendredi (avec une pause le jeudi), à raison de trois à quatre heures par jour. À côté on fait pas mal de stages, avec au moins un stage d’une semaine par mois, où on se retrouve entre membres de l’équipe. On va soit vers Clichy, dans la banlieue parisienne, soit dans le Sud. Durant ces stages, nous avons des partenaires d’entraînement valides qui viennent se mettre sur des fauteuils et font de l’escrime avec nous. C’est un petit monde, mais entre les escrimeurs valides et handi, on a réussi à créer une sorte de lien qui nous permet de pouvoir nous améliorer grâce à eux.
Est-ce qu’il y a aussi une préparation mentale et physique?
Pour ma part j’ai une coach mentale, après dans l’équipe je ne sais pas si c’est le cas de tout le monde. Ça va faire un an et depuis que je l’ai je fais de bons résultats, donc je me dis que ça doit être lié. Je ne dis pas qu’elle a le secret immuable, mais apparemment notre travail a l’air de porter ses fruits.
Nous avons aussi des préparateurs physiques qui nous font faire pas mal de travail physique, et on mélange la partie physique et la partie entraînement accessoires et technique pour arriver à Rio avec toutes les armes en main pour pouvoir réaliser la performance qu’il faut.
Quels sont vos objectifs pour cette compétition ?
À titre personnel, je suis plus dans l’idée où j’y vais et on verra, mais après, comme tout sportif qui se respecte entre guillemets, la médaille d’or reste l’objectif. En général on ne va pas aux Jeux pour faire faire deuxième ou troisième, on vise la première place. J’y vais pour la médaille d’or et j’y vais sans complexes. Je me dis que je me suis entraîné pour. Je vais arriver à l’heure de la compétition et me dire : « C’est bon tu as tout fait pour bien te préparer, tu as pris le chemin qu’il fallait, maintenant à toi de prouver que tu peux aller chercher la médaille qu’il faut et avec la couleur qu’il faut ». Je participerai dans deux disciplines : l’épée et le sabre. À la différence des valides, qui ne peuvent participer qu’à une seule discipline en escrime, nous pouvons pratiquer deux armes en handisport. Il y a quelques temps, nous n’étions pas assez sur le circuit handisport pour ne faire qu’une arme, donc pour faire vivre le circuit on nous a autorisés à faire deux armes, ce qui nous permet d’être assez nombreux lors des compétitions et de les faire perdurer.
Lors des Jeux Paralympiques de Rio il y aura des épreuves individuelles et des épreuves par équipe. Pour les équipes, ce sera à l’entraîneur de décider.
Plus d’infos sur: http://cpsf.france-paralympique.fr/