Championnat du monde de voile à l’aveugle de Kingston : Retour sur la compétition !
Par Olivier Ducruix. Nous voici donc à Kingston pour notre championnat du monde Blind Sailing ou voile à l’aveugle ! Pour ceux qui ont lu ma dernière chronique, le décor est planté ! Pour les autres : nous sommes fin août, au Canada, et la compétition va bientôt commencer. Reste à vous détailler le rôle de chacun à bord car ceci est strictement réglementé.
La répartition des rôles sur le bateau
Le tacticien est voyant, pour nous c’est Gillou. Il a le droit de tout dire mais de ne rien faire. Il ne doit pas toucher un seul réglage. Il est reconnaissable par une chasuble rouge qu’il a l’obligation de porter, et les arbitres le surveillent de près. Sa mission est primordiale car c’est lui qui décide de tout depuis la procédure de départ, tellement importante pour bien se positionner et partir en tête, jusqu’aux choix tactiques tels que naviguer à gauche ou à droite du plan d’eau, privilégier un bord à un autre. C’est aussi lui qui assure la supervision de l’affinage de tous les réglages à notre disposition lors des épreuves de voile à l’aveugle.
L’autre personne voyante à bord gère le foc, c’est-à-dire la voile située à l’avant du voilier. Chez nous, Marine tient ce poste. Une chasuble jaune obligatoire au-dessus de ses vêtements permet aux arbitres de l’identifier. Elle règle le foc et a également le droit de jouer sur les autres réglages tels que le halebas, le pataras, la bordure (je dis ceci pour les initiés). Par contre, il lui est interdit de toucher à la grand-voile et à son réglage ainsi qu’à la barre, les 2 domaines réservés des déficients visuels ! L’un de ces 2 derniers s’occupe de la grand-voile, c’est Eric, et moi je suis le seul habilité à barrer. Telles sont les règles, un peu compliquées j’en conviens, mais j’espère être à peu près clair dans leur énoncé.
Les premiers essais en condition avant les épreuves de voile à l’aveugle
Vendredi 30 août, nous découvrons le Yacht-club de Kingston, belle bâtisse deux fois centenaire, idéalement située entre son petit port et sa plage privée. Ici la pratique de la voile ne date pas d’hier ! Nous nous intéressons au bateau sur lequel nous allons naviguer. C’est un Shark 24. Nous ne le connaissons pas, c’est un bateau canadien de 7 mètres, d’une conception qui commence à dater, mais qui reste très utilisée ici. Sept Shark 24 sont mis à disposition de l’évènement de voile à l’aveugle, nous les utiliserons à tour de rôle afin d’établir une équité entre les équipes. Le samedi, enfin nous naviguons ! Nous faisons connaissance avec le Shark, le prenons en main, essayons différents réglages, échangeons nos impressions, nos sensations. Nous tâchons d’optimiser nos positions, nous révisons les manœuvres de virement de bord, d’empannage, d’enroulé des bouées. À la barre, je sens bien le bateau, il est réactif et répond bien. Le cockpit est étroit, cela facilite les déplacements. Cette première prise de contact me rassure, j’oublie les craintes et ressens beaucoup de plaisir ! Nous profitons aussi de cette première sortie pour préciser nos modes de communication. Il est impératif que les consignes de Gillou soient comprises et exécutées vite et bien. Tel un chef d’orchestre, il dirige en temps réel la partition de chacun d’entre nous.
Dimanche, c’est la manche d’entraînement officielle. Nous sommes en condition de course avec nos 6 concurrents. Nous faisons de notre mieux, et terminons sixièmes… Néanmoins, Gillou et Marine observent les autres, notamment leurs positions sur le bateau, leurs réglages, et la journée est riche d’enseignements. Le soir pourtant, je me dis qu’on a peut-être visé un peu haut… et si on était « à la rue » demain ?
La lutte pour le podium
Lundi, enfin le début de la compétition ! Les conditions de vent sont faibles. L’ambiance à bord est concentrée et cool en même temps, no stress. Exactement ce qu’il faut ! Nous prenons d’excellents départs, si importants, et finissons 2e, 5e, et premiers des 3 courses courues ce jour-là ! Au classement général, nous sommes premiers juste devant les américains, champions du monde en titre de voile à l’aveugle ! Même dans mes rêves, je n’avais pas envisagé ce scénario. Nous sommes heureux, quel bonheur ! Nous savons néanmoins que la compétition ne fait que débuter, il reste 6 jours de course. C’est très long.
Nos craintes étaient effectivement fondées. Malgré de belles performances sur l’eau, avec des places de 3e, 5e et 2e le mardi, nous rétrogradons à la deuxième place le deuxième jour, puis à la troisième le troisième jour… Ceci me fera dire : « J’espère que nous ne serons pas septièmes, le septième et dernier jour de la régate !».
Mais non, nous sommes bel et bien dans la bagarre avec les meilleurs, luttant pour le podium jusqu’au dernier jour de course. Au final, nous terminons quatrièmes, au pied du podium derrière les américains champions pour la troisième fois consécutive, devant les Australiens et juste derrière les Anglais. Quelques faits de course nous auront coûté la médaille de bronze convoitée. Sans rentrer dans les détails, je citerai un jour de gros temps au cours duquel notre moindre expérience par rapport aux autres a fait la différence en leur faveur, une disqualification injuste devant le jury suite à une réclamation de la seconde équipe anglaise, et l’obligation d’utiliser un bateau de rechange moins performant le dernier jour de course suite à un dommage du bateau « titulaire ».
Ce que je retiens : une semaine magique, l’envie de recommencer et de continuer à développer la pratique en France pour que d’autres marins déficients visuels connaissent ce bonheur !
Pour en savoir le championnat du monde de Blind Sailing ou voile à l’aveugle : http://voileasciez.fr/championnat-du-monde-blind-sailing