Dans sa nouvelle chronique, Pascal Parsat propose un tour d’horizon des difficultés rencontrées pour concilier intermittence et handicap, ainsi que des pistes de réflexion pour tenter d’y remédier.
Par Pascal Parsat. Article réalisé en partenariat avec Audiens. La culture, tout le monde s’accorde sur cela, est essentielle. Elle l’est pour ceux qui y accèdent, s’y adonnent, comme est l’est pour celles et ceux qui la produisent, la proposent, la font en un mot. Si ce n’est qu’en bien des endroits, le sujet semble avoir été oublié, pas pris en compte quoi qu’il en soit par le législateur quand il est question de cumuler intermittence et handicap, par exemple.
Ainsi, ci-après, quelques observations quant à l’incompatibilité du statut d’intermittent et celui de Bénéficiaire de l’Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés BOETH. Enfin, quelques pistes de réflexions pour y remédier.
SITUONS LE CONTEXTE D’INDEMNISATION
Les artistes et techniciens des métiers de la culture dépendent pour leur indemnisation chômage (intermittence) des annexes 8 et 10.
GUIDE INTERMITTENT.pdf (pole-emploi.fr)
Ainsi, il est possible aux professionnels de la culture donc, d’accéder au statut d’intermittent indemnisé par Pôle emploi après avoir effectué 507 heures de travail à la date de leur inscription ou renouvellement d’indemnisation. Les 507 heures représentant en moyenne 43 cachets.
CONSTATS
Regardons cette situation transverse à l’aune des bénéficiaires de l’Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés. BOETH*
Pour tout savoir sur les BOETH*Ce que dit la loi – Mission Handicap du Spectacle vivant et enregistré (missionh-spectacle.fr)
Ainsi, selon une étude réalisée par Audiens, tels sont les constats.
Les modalités d’obtention et de versement de la pension d’invalidité ne sont pas adaptées à ces artistes et techniciens du spectacle :
> Modalités d’accès à la pension d’invalidité
Pour ouvrir droit à une pension d’invalidité, il faut justifier de 600h sur les 12 derniers mois précédant la demande de pension d’invalidité ou au cours des 12 mois civils précédents l’interruption du travail.
Donc un intermittent du spectacle avec son statut, c’est-à-dire ayant effectué 507h, peut se voir refuser une ouverture de droit au titre de l’invalidité liée au handicap.
Une fois la pension d’invalidité accordée, pour son versement, comparaison des revenus perçus (CDD U et ARE) avec un salaire de référence (calculé uniquement sur les revenus salariés).
> Modalités de calcul du montant de la pension d’invalidité :
Le montant des indemnisations Pôle Emploi n’est pas pris en compte dans le calcul du montant de la pension d’invalidité. Le montant de la pension d’invalidité est ainsi bien en deçà des revenus antérieurs à l’arrêt initial.
> Modalités de versement de la pension d’invalidité
Dès lors que la pension d’invalidité est accordée et afin de maintenir son versement, un réexamen des revenus a lieu tous les 3 mois. Ce réexamen inclue une règle discriminante car sont comparés les revenus actuels du professionnels (salaire et allocation Pôle Emploi) à un salaire moyen de référence calculé uniquement à partir des revenus salariés des 12 mois précédant l’interruption du travail.
Ce qui a pour conséquence d’ôter le versement de la pension d’invalidité dès que le salarié acquiert ses droits à indemnisation Pôle Emploi.
Mi-temps thérapeutique
Un intermittent du spectacle dont l’état de santé nécessiterait une reprise partielle d’activité ne peut pas bénéficier du mi-temps thérapeutique car il n’existe pas, d’aménagement du temps de travail possible en lien avec le régime d’indemnisation. Il a ainsi le choix entre reprendre son activité en essayant d’effectuer le nombre de cachets nécessaires au renouvellement de ses droits en dépit de son état de santé ou bien de ne pas reprendre d’activité.
Il n’existe pas aujourd’hui de dispositif permettant à un salarié intermittent de reprendre une activité de manière partielle sans pénalisation financière au moment du recalcul de ses droits à indemnisation chômage.
PISTES DE REFLEXION POUR CONCILIER INTERMITTENCE ET HANDICAP
À l’image de ce qui a été mis en place pour soutenir les jeunes professionnels pendant la crise sanitaire
Nouvelle allocation jeunes intermittents |Pôle emploi (pole-emploi.fr)*
Il est peut-être intéressant de le prolonger au bénéfice des professionnels de la culture avec un handicap, une invalidité.
Ainsi, ici les 507 heures obligatoires sont ramenées dans ce dispositif à 338h.
*s’agit pour les jeunes artistes et techniciens du spectacle de moins de 30 ans qui ne relèvent pas encore des annexes 8 et 10 (dits les « primo-accédants » aux annexes 8 et 10) de bénéficier d’une allocation minimale pendant une durée de 6 mois maximum. Sont visés les primo-accédants qui justifient de 338 heures au titre de ces annexes,
- Pour un artiste ou technicien avec un handicap, une invalidité, atteindre ce volume horaire peut-être difficile, voire irréalisable.
- Permettre à celles et ceux qui en cours de carrière doivent intégrer le handicap, une maladie invalidante, de se maintenir en intermittence indemnisée, à raison de 350 heures par exemple, est une possibilité.
- Pour un artiste ou technicien entre 18 et 35 ans, entrant en carrière, le nombre d’heures à atteindre pour accéder au statut de l’intermittence indemnisée pourrait être ramené à 180 heures. (15 cachets de 12heurs)
Ce sujet sera d’autant plus essentiel qu’avec la situation sanitaire, nombreux sont celles et ceux qui ont vu spectacles, tournages, etc. bien que programmés, s’annuler ou se reporter dommageablement.
En adaptant les règles en vigueur, on est en droit d’espérer qu’un tel environnement favorable contribue à ce que les professionnels concernés redoutent moins de se déclarer, d’intégrer leurs réalités de santé dans leur carrière, et donc ne s’éloignent pas de leur métier…
En ces temps de campagne électorale, espérons que les candidats liront cet édito, et s’empareront de cette inégalité pour y mettre fin.
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