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Handicap en milieu rural : Un environnement favorable à l’inclusion

Meddy Escuriet - Handicap en milieu rural : Un environnement favorable à l’inclusion
Branly – Spot 2 – PC
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Handicap en milieu rural : Une plus-value pour les personnes handicapées et pour le développement du territoire

Dans le cadre de notre focus « Handicap et ruralité », l’un des thèmes phares de la SEEPH 2021, nous avons rencontré Meddy Escuriet, doctorant en géographie à LADAPT Puy-de-Dôme, depuis 2017, et qui s’intéresse au handicap dans ses travaux depuis 2016. Il vient de rendre sa thèse, en qualité de chercheur associé et mène en parallèle une étude intitulée : « Outiller les territoires afin de permettre plus de choix pour travailler et vivre avec un handicap en milieu rural ». Il est parallèlement membre du Groupe de travail « Handicap et Société » et membre du Comité National Français de Géographie. Il a aussi été chercheur associé au projet de recherche : « Handicap, accessibilité, citoyenneté : Focus sur l’accès à l’éducation » de 2018 à 2020.

Qu’est-ce qui vous amené à travailler sur le thème du handicap ?

En introduction, il faut savoir que la géographie est une discipline qui, au niveau Master, s’ouvre sur deux voies : faire de la recherche en géographie ou appliquer la géographie grâce à un master d’aménagement du territoire ou d’urbanisme. J’ai eu la possibilité de faire les deux en même  temps, ce qui me permet de connaître le côté recherche et le côté plus terrain. Ce qui m’a amené sur la thématique du handicap, c’est d’abord une pure coïncidence. En 1ère année de Master, je me suis retrouvé presque par hasard en stage dans une petite commune du Puy-de-Dôme, pour laquelle je devais réaliser un diagnostic accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Comme je ne connaissais rien au handicap, je me suis tourné vers des associations locales pour leur demander leur avis sur les aménagements nécessaires. Ces rencontres ont changé ma vision des choses et ma vie scientifique. En passant du temps avec des personnes en fauteuil roulant en milieu rural, je me suis rendu compte, d’une part, que la ruralité est un handicap pour toute le monde, et que par conséquent le handicap et la ruralité forment un double handicap. Je me suis aussi rendu compte, d’autre part, que ces personnes étaient dans une situation d’exclusion spatiale, car toute une partie de la commune leur était interdite par manque d’aménagement. La conséquence naturelle étant l’exclusion sociale. J’ai fait le constat que la géographie pouvait être une discipline pertinente pour analyser ces questions.





Vous menez une étude sur le thème de la ruralité et du handicap, avec LADAPT. Comment est née cette étude ?

Au départ, j’ai réalisé, au sein de LADAPT, une thèse sur les pratiques spatiales des personnes atteintes de lésions cérébrales – celle-ci n’était pas particulièrement axée sur la ruralité.  J’ai conduit cette thèse dans le cadre d’une CIFRE – Convention Industrielle de Formation par la recherche – qui permet à une structure d’embaucher durant 3 ans un doctorant et de bénéficier de subventions de l’État pour financer son poste. Grâce à cela, j’ai pu travailler au plus près du terrain au sein de l’ESAT qui m’a accueilli. C’est à l’occasion d’un appel à projet lancé par le *FIRAH sur le thème « Handicap et milieu Rural » que mes collègues du laboratoire *UMR territoire et moi-même avons décidé de nous porter candidats.

Sous quel angle avez-vous abordé cette étude ?

Notre angle de départ pourrait être qualifié de « double action », une flèche qui monte et une flèche qui descend. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à l’influence que le milieu rural pouvait avoir sur les personnes en situation de handicap qui vivaient dans ce contexte. Est-ce que la ruralité d’un point de vue thérapeutique pouvait être intéressante ? Est-ce qu’en termes d’emploi, ce milieu pouvait être intéressant ? Je veux dire par là : est-ce que l’agriculture est un milieu professionnel opportun pour les personnes qui ont une RQTH et qui cherchent à travailler en milieu ordinaire ? Et la deuxième question qui s’est posée consistait à évaluer la plus-value des établissements, et plus largement de l’accompagnement médicosocial des personnes en situation de handicap pour le territoire rural. À savoir : est-ce que les établissements implantés en milieu rural participent à la vie économique de leur territoire (circuits courts) et est-ce que les personnes de ces structures sont membres d’associations locales ? En résumé, il s’agit, d’un côté, du bien-être des personnes handicapées, et de l’autre, de la filière du handicap et de sa plus-value pour le territoire. Nous avons pu constater que le milieu rural n’était absolument pas fermé au handicap. L’emploi de personnes avec un handicap psychique dans des exploitations agricoles se pratique depuis très longtemps. Dans certains cas, le handicap est même le premier facteur de développement territorial, ceci grâce, entre autres, aux nombreux emplois médicosociaux.





Quels autres constats avez-vous fait grâce à cette étude sur la ruralité ?

Tout d’abord il apparaît évident qu’il y a une plus-value pour les personnes avec un handicap psychique ou comportemental à êtres accompagnées en milieu rural, car celui-ci offre les conditions d’une vie plus calme et plus saine. La proximité des animaux joue un rôle thérapeutique naturel. La mobilité reste, par contre, le point noir de ce milieu et doit-être améliorée par la mise en place de véhicules sans permis ou des ramassages de type scolaire. Les distances sont courantes en milieu rural et l’absence de transports en commun est criante. Dans le domaine de la plus-value, près de Clermont Ferrand, nous avons découvert que les personnes de l’établissement étudié participaient activement à la vie associative, au point même que sans elles, l’équipe de foot local ne pourrait pas exister. C’est une véritable inclusion car elles sont considérées comme des habitants de la commune. Dans d’autres cas, nous avons pu constater que ces personnes redynamisaient le centre-bourg en investissant les logements du centre laissés vacants au cœur du village, par manque d’activité économique.

Comment avez-vous identifié les personnes handicapées en milieu rural pour mener cette étude ?

Nous avons fait le choix de ne travailler qu’avec des établissements, et ces derniers nous ont été présentés par le réseau ASTRA (Agriculture Sociale et thérapeutique en Rhône Alpes). Le choix s’est fait sur un critère de niveaux de ruralité différenciés. Notre logique était plus géographique que liée au handicap. Il y a donc eu un établissement qualifié de rural mais situé en zone périurbaine proche de Bourg-en-Bresse. Un établissement situé en plein milieu d’un massif montagneux en Savoie avec un isolement très fort. Un dans le Puy-de-Dôme situé à une heure de Clermont-Ferrand et un autre dans le département de la Loire et qui est aussi assez isolé. L’idée étant de comprendre ce qui se passe pour les personnes et pour les territoires, en raisonnant sur des niveaux géographiques différents, à travers le prisme des ESAT. Si le choix du handicap n’était pas une priorité, je précise qu’en zone rurale, proche de Clermont, il existe un ESAT de l’association Valentin Haüy qui travaille sur la mobilité en milieu rural des personnes déficientes visuelles. S’il ne fait pas partie de notre sélection, je tiens à signaler son existence et son travail.

Le handicap est-il très présent en milieu rural ?

Ma réponse à cette question est surement biaisée par le fait que cela fait 4 ans que j’analyse ce sujet avec de la cartographie. Je réponds donc que oui, le handicap est très présent en milieu rural mais plus dans certaines régions que d’autres. À titre personnel, je connais beaucoup de personnes qui travaillent dans le médicosocial en milieu rural, et pourtant, le Puy-de-Dôme est loin d’être le département qui compte le plus d’établissements médicosociaux. Il y a eu une logique de rejet du handicap des villes. Les religieuses, en milieu rural, ont aussi durant de longues périodes, joué un rôle dans l’accueil de ces personnes. Quelquefois, ce fut des enjeux politiques et municipaux de maires qui souhaitaient créer des emplois et ont transformé une vieille école en établissement médicosocial.

Est-ce que les ESAT du milieu Rural jouent leur rôle de passerelle vers le milieu ordinaire ?  

Dans ce domaine, les chiffres nationaux sont extrêmement faibles et si la campagne ne fait pas mieux, elle ne fait pas moins. Cependant, ce que nous avons constaté, c’est que beaucoup d’ESAT avaient recours à des mises à disposition en entreprises locales (scierie, exploitations agricoles…) mais sans que cela ne débouche sur de l’emploi pérenne.

Le milieu rural a-t-il une image spécifique du handicap ?

Non, pas du tout. Les établissements n’essaient d’ailleurs pas de favoriser l’inclusion. Tout se fait en douceur, sans logique de communication spécifique, ni même d’interprétation particulière de la part de la population. Par exemple, dans l’établissement de la Loire, les enfants de l’école et les personnes de l’ESAT déjeunent ensemble à la cantine du village. Une initiative qui ouvre la diversité.

Quels sont les interlocuteurs des personnes handicapées en milieu rural ?

En ce qui concerne les personnes de l’ESAT, elles sont prises en charge par l’établissement. Pour les autres, se pose déjà le problème de la mobilité pour accéder aux différents services administratifs et de santé. Le lien nécessaire avec la MDPH se heurte avec la situation géographique des personnes, et concernant la santé, le milieu rural se confronte à la désertification médicale, ce qui est un vrai problème pour certaines personnes en situation de handicap.

À travers cette étude, quel message souhaitez-vous faire passer ?

Ce qui ressort de cette étude, c’est que le milieu rural, contrairement aux apparences, n’est pas la destination qu’il faut éviter. C’est un milieu qui sait s’ouvrir à la différence et à l’inclusion des personnes en situation de handicap.

*FIRAH Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap
*UMR territoire est le plus laboratoire français de géographie rural

En photo : Meddy Escuriet, doctorant en géographie, a travaillé sur le thème du handicap en milieu rural.

Propos recueillis par JMMC

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