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Syndrome d’Ehlers Danlos : Les suspicions de maltraitances font des dégâts

Syndrome d'Ehlers Danlos : Les suspicions de maltraitances font des dégâts
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Alors que le Syndrome d’Ehlers Danlos reste peu connu du public et des soignants, les parents d’enfants malades sont parfois victimes, à tort, de suspicions de maltraitances et vivent des situations très difficiles à dénouer.

Encore très méconnu du grand public et du corps médical, le Syndrome d’Ehlers Danlos, également appelé SED, provoque très fréquemment des ecchymoses, ou « bleus », et des blessures articulaires qui semblent au premier abord inexpliquées. Lorsque la maladie n’est pas encore identifiée, ni diagnostiquée, les symptômes du Syndrome d’Ehlers Danlos conduisent parfois à des suspicions de maltraitances dont les conséquences peuvent être désastreuses pour les familles concernées, et plus particulièrement lorsque le SED se développe chez des enfants en bas âge. Rencontre avec Monique Vergnole, présidente de l’association « Vivre avec le SED – Syndrome d’Ehlers Danlos », et Alice Minnès, vice-présidente. Mère et fille, elles travaillent ensemble depuis 15 ans et ont été plusieurs fois témoins de situations dramatiques.

Le Syndrome d’Ehlers Danlos, ou SED, qu’est-ce que c’est ?

Le Syndrome d’Ehlers Danlos est une maladie héréditaire liée à une anomalie du tissu conjonctif. Il y a probablement une origine génétique qui, hélas, n’est pas connue aujourd’hui et qui va nous causer bien des soucis.

Les principaux symptômes se manifestent par des douleurs de localisations multiples, des entorses, des luxations, une hyperlaxité ligamentaire et une grande fatigue. Cela apporte énormément de désagréments au cours d’une journée car tous les organes sont touchés.

Cette maladie est méconnue du grand public, elle très difficilement indentifiable et peu enseignée en fac de médecine. Souvent, lorsque les médecins commencent à exercer, ils n’ont encore jamais entendu parler du Syndrome d’Ehlers Danlos. Et donc, s’ils ont un patient qui revient six fois, ils n’y penseront pas. Ils risquent alors de penser qu’un enfant touché par le Syndrome d’Ehlers Danlos est victime de maltraitances.

C’est l’une des raisons d’être de l’association « Vivre avec le SED » ?

En effet. Notre association a pour rôle de sensibiliser le public et surtout le corps médical. Nous leur expliquons ce qu’est ce syndrome, qui est d’ailleurs souvent confondu avec la fibromyalgie, et comment il se manifeste au quotidien. Nous leur parlons avec nos mots de patients, et non avec un vocabulaire médical, afin que cela puisse correspondre à ce que racontent les patients et à leur vécu quand ils viennent consulter.

Au niveau de l’errance diagnostique, le manque d’informations va parfois amener beaucoup de désagréments, notamment avec les services d’urgences pédiatriques qui n’ont souvent aucune formation sur ce syndrome, ce qui peut conduire les parents à se retrouver dans une galère monumentale. Un tourbillon judiciaire duquel ils ne vont jamais se remettre.

Justement, c’est un sujet qui vous tient à cœur et sur lequel vous êtes souvent les témoins de drames…

Tout à fait. Nous sommes régulièrement appelées au secours par des parents qui ont affaire à la justice. Ils ont eu un bébé, et en toute bonne foi ils ne savent pas qu’ils ne savent pas qu’ils sont porteurs du Syndrome d’Ehlers Danlos… ils ont peut-être ressenti quelques symptômes mais sans savoir à quoi cela correspondait. Un jour, alors que le bébé a l’âge d’un mois, il va se mettre à hurler, les parents vont découvrir un gros hématome sur un membre, ou bien une luxation de l’épaule par exemple. Ils vont être paniqués, ce qui est normal quand on est jeune parent. Ils vont emmener leur bébé aux urgences et expliquer qu’ils l’ont retrouvé comme ça dans le berceau. Mais au fil de la discussion, les médecins vont questionner davantage les parents, ne vont pas croire au scénario qu’ils entendent, en disant que ça ne rentre dans aucune pathologie. Puis ils vont devoir faire un signalement.

C’est d’autant plus difficile que les examens médicaux réalisés en urgence ne vont pas forcément dans le sens des parents…

Exactement. Il faut savoir que l’origine de la pathologie est une carence en collagène – une protéine qui manque – mais il y a également une carence en vitamine D qui est très importance : la maman est toujours carencée pendant la grossesse, et l’enfant aussi quand il naît. Cette vitamine D va servir à constituer l’os. À l’âge de trois semaines – un mois, les os d’un bébé sont en train de se construire. Comme les urgentistes ne croient pas au fait que les parents ont retrouvé le bébé comme ça, ils vont faire des radios et revenir pour leur dire : « Votre bébé a 20 fractures, expliquez-nous d’où ça vient. Messieurs dames, nous sommes obligés de faire un signalement au procureur ». En fait, il ne s’agit pas de vraies fractures, les traits visibles sont des micro-fissures car les os ne sont pas encore bien constitués. Un nourrisson qui a le SED a besoin de plus de temps pour constituer ses os.

Que se passe-t-il ensuite ?

Les parents tombent des nues, mais on leur demande de rester. L’aide sociale à l’enfance est prévenue dans l’heure qui suit, emmène l’enfant. Les parents rentrent chez eux sans l’enfant et sont convoqués par les autorités. Ils vont répondre à des questions pendant 24h, 48h ou 72h. Il va y avoir une enquête de voisinage, de famille, une perquisition des ordinateurs et des téléphones portables, pour voir s’ils n’ont pas avoué à quelqu’un qu’ils ont bien battu l’enfant.

Les parents doivent trouver un bon avocat pour se défendre, puis cela va durer 5 ans, 6 ans, 7 ans… car le procès pénal va arriver seulement au bout de 4 ans. En attendant, l’enfant va être placé en famille d’accueil.

En tant que présidente d’association, j’ai été citée deux fois comme témoin, à Lyon et Créteil. Si la famille de Lyon a été relaxée, la famille de Créteil repart avec trois ans de prison avec sursis.

Les parents finissent-ils par savoir que leur enfant est atteint du Syndrome d’Ehlers Danlos ?

Entre le moment du signalement et l’audience qui dure 6 ans, les parents, naturellement, cherchent pourquoi leur fille a des problèmes de santé, et ils arrivent jusqu’à nous en tapant sur internet des mots clés correspondant aux symptômes de leur enfant. En parlant avec eux, on se rend compte qu’un des deux parents a les symptômes de la maladie. On les envoie alors se faire diagnostiquer et transmettre les résultats à leur avocat, qui lui les donnera au juge. Mais le diagnostic est seulement clinique, ce qui fait que bien souvent le juge va balayer les documents d’un revers de main et dire qu’il n’y croit pas. Parfois les juges croient à mon témoignage en tant que présidente de l’association « Vivre avec le SED », mais pas à celui des parents.

Si l’enfant placé en famille d’accueil continue à avoir des bleus et fractures, cela ne peut-il pas constituer une preuve de la bonne foi des parents ?

Il faut savoir que, normalement, la famille d’accueil et les parents n’ont pas le droit de communiquer. Donc la famille d’accueil ne sait pas forcément pourquoi on lui a confié l’enfant. Peut-être qu’ils parviennent parfois à avoir quelques nouvelles, voire des visites avec médiateur, mais c’est très limité. À ce moment-là on leur conseille de faire des photos de leur enfant à chaque fois qu’ils le voient, pour vérifier qu’il n’y a pas des bleus, ou une cicatrice car le SED entraîne aussi une mauvaise cicatrisation.

On se rend compte que ce sont des familles brisées, avec des parents qui n’ont pas battu leur enfant et qui ont été séparés de lui très tôt. Ils n’ont pas connu les premières cuillères, les premiers mots, les premiers pas… Et l’enfant va grandir et se construire sans eux. Sans souvenir non plus de ses parents, sans photos. Il a également moins de chances d’être diagnostiqué. Plus tard, ils pourront lui dire ce qui s’est passé mais il faudra encore que l’enfant puisse l’entendre et le croire.

N’y a-t-il pas ensuite une crainte pour les parents d’emmener à nouveau leurs enfants voir un médecin en cas de problème ?

Si, bien sûr. D’ailleurs, même quand les parents ont été blanchis, lorsque les professionnels de santé chargent leur carte vitale sur leur ordinateur, ils voient apparaître le message « Information préoccupante » et ce jusqu’aux 16 ans ou 18 ans de l’enfant. Les parents peuvent dire qu’ils ont été innocentés, mais cela reste dur de devoir se justifier à chaque fois, et les professionnels ne vont pas forcément les croire et peuvent se dire : « Ils ont recommencé » ou avoir des doutes.

Quelles sont les démarches que vous mettez en œuvre pour lutter contre ces suspicions de maltraitances alors qu’il s’agit du Syndrome d’Ehlers Danlos ?

J’avais dans l’idée d’aller à la rencontre des soignants des services d’urgences pédiatriques, mais je ne peux pas me rendre dans tous les services pédiatriques de France. Je devrais être reçu dans l’un d’eux à Metz, prochainement. Sinon, nous envisageons aussi d’aller rencontrer des magistrats, en formation à l’ENM, mais nous n’arrivons pas à obtenir de rendez-vous, malgré plusieurs demandes écrites. Je voudrais simplement intervenir en tant que représentante d’une association de patients, et juste leur parler du Syndrome d’Ehlers Danlos, pour qu’ils sachent que ça existe et de quoi il s’agit. En aucun cas il ne s’agit de leur apprendre leur métier. On le fait chez les kinés, les ergothérapeutes… alors pourquoi ne pas le faire auprès des urgentistes et des magistrats ? Mais je ne désespère pas et nous continuons nos demandes et nos recherches de contacts. J’espère vraiment que ça va se débloquer car je suis persuadée qu’il y a quelque chose à faire de côté-là.

Avez-vous un conseil à donner aux parents atteints de SED ou qui se demandent si c’est le cas de leur enfant ?

Si les parents ont des doutes sur le fait qu’ils peuvent avoir eux-mêmes le Syndrome d’Ehlers Danlos, il faut qu’ils essayent de se faire diagnostiquer. Cela pourra leur permettre, éventuellement, d’obtenir un certificat médical démontrant qu’il est possible qu’ils aient transmis le Syndrome d’Ehlers Danlos à leur enfant et les aider à démontrer qu’ils n’exercent pas de maltraitances envers lui. Mais la plupart du temps, les parents ne connaissent pas le Syndrome d’Ehlers Danlos et on ne peut donc pas les conseiller.

Pour en savoir plus sur le Syndrome d’Ehlers Danlos et l’association « Vivre avec le SED » : https://www.vivre-avec-le-sed.fr/

À lire aussi : Ehlers-Danlos : Informer pour être mieux compris des autres

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