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Voile à l’aveugle : Le raid Liberty, un défi pour la liberté !

Voile à l'aveugle : Le raid Liberty, un défi pour la liberté
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De retour de son périple en solitaire sur le Lac Léman, Olivier Ducruix, revient sur les temps forts de ce défi lors duquel il a traversé une partie du lac Léman à la voile et à l’aveugle, afin de démontrer que c’est possible et de présenter les outils innovants qui permettent aux marins aveugles de naviguer en autonomie.

Par Olivier Ducruix. Après quelques jours de recul, le temps de descendre du petit nuage sur lequel je planais tranquillement depuis cette magnifique aventure, ce raid Liberty qui a dépassé toutes nos espérances, je tenais à vous raconter cette belle histoire, et à remercier toutes les nombreuses personnes qui nous ont suivis, pour leur soutien, leurs encouragements, et leur enthousiasme. Vous avez été nombreux et géniaux lors des directs pendant ce raid, filmés et commentés avec tant de talent par mon ami Gilles Guyon ! Nombreux aussi à relayer les sujets diffusés par les médias sur ce défi en voile à l’aveugle ! Nous les avons mis en ligne sur la chaine Youtube « Blind Sailing France » toute nouvellement créée : le reportage France3 et l’interview BFM Lyon, voici les liens :

JT France 3 : https://youtu.be/EzvTb3t6eLA

BFM TV : https://youtu.be/Cieffa5u6Gw

Et voici la trace du périple telle qu’elle a été enregistrée par SARA Navigation, ça a été « chaud » devant Ripaille !

Tout ceci a été possible grâce à une belle équipe et des outils extraordinaires. J’y reviens en détails dans cet article, mais d’abord un petit retour en arrière il y a un peu plus d’un an.

Un premier périple en autonomie réussi entre Sciez et Évian…

Janvier 2022, je reçois un appel de Jérôme. Il habite Paris, il est atteint d’une sclérose en plaques. Nous nous connaissons bien, car Jérôme pratique la voile comme moi, nous nous croisons régulièrement lors de régates Handivalides. Jérôme veut encore et toujours se faire plaisir, vivre de chouettes aventures, avant que la maladie ne complique encore plus les choses. Cette fois-ci, son idée est de naviguer en solitaire sur un voilier adapté, sur une distance conséquente. Il me propose de le faire ensemble, chacun sur son voilier, lui avec sa SEP, moi en voile à l’aveugle avec ma maladie de Stargardt (rétinopathie) et donc ma cécité.





Marché conclu ! Après quelques préparatifs, le vendredi 18 mars 2022, nous réalisons cette navigation peu commune, sur le lac Léman, entre Sciez et Evian. C’est top, je me suis fait plaisir au-delà de ce que j’aurais cru à priori … quel bonheur de naviguer en toute autonomie, sur un plan d’eau cabossé par des creux d’un mètre, et 15 à 20 nœuds de vent. Cinq heures de concentration, à l’écoute de SARA, mon application spécialement développée pour les marins aveugles. Je ne savais pas si je pourrais tenir la distance … et bien si, ça le fait très bien, fatigué bien sûr, mais ce n’est rien à côté du bonheur de ce que je viens de réaliser.

… avant le grand défi Raid liberty en mars 2023

L’histoire aurait pu en rester là, mais non, immédiatement j’ai une certitude : on va faire le tour du lac Léman en solo et en aveugle ! Et voilà, l’idée du « Raid Liberty » est née ! Un an plus tard, les 23, 24 et 25 mars 2023, je réalise en solo et en toute autonomie, 3 étapes de 6 à 7 heures chacune, totalisant plus de 60 miles nautiques, soit environ 120 kilomètres. Le départ est donné à la base nautique de Sciez, mon club, au sein duquel le directeur Gilles Guyon (Gillou) œuvre au quotidien pour développer la pratique de la voile par les personnes handicapées. Une fois encore, Gillou a été extraordinaire. Sans lui, rien n’aurait été possible. Il a préparé minutieusement les 2 voiliers. Ce sont des dériveurs spécialement conçus pour les personnes en situation de handicap, nommés Liberty. J’adore ce nom car il exprime exactement ce que je ressens, quand je suis à la barre, un espace de liberté incroyable. Le Liberty est simple et « sécure ». En théorie, il ne peut pas chavirer grâce à sa dérive lestée. On est assis, et on peut tout gérer sans avoir à se déplacer sur le bateau. En plus, il est très marin, c’est-à-dire qu’il passe bien les vagues et se comporte bien par un vent soutenu. Ça va le faire ! Gillou assure donc toute la logistique, et aussi la sécurité. Pendant les 3 étapes au programme, il va nous suivre sur un bateau moteur. Au moyen de la radio, il pourra me prévenir en cas de collision potentielle avec un autre bateau ou un quelconque obstacle sur l’eau. En effet, les outils dont je dispose ne savent pas encore gérer cette problématique en voile à l’aveugle.





Sur l’autre voilier, Ange Margaron m’accompagne. Avec Ange, jeune-homme adorable, je partage une autre aventure, celle du haut niveau Paravoile. Ensemble, nous avons terminé cinquièmes du dernier championnat du monde en double sur RS Venture, qui s’est déroulé à Oman en novembre 2022. Et nous comptons bien faire mieux en août prochain à La Haye, si nous sommes sélectionnés pour représenter la France. Passionné de voile, Ange a réussi avec panache à obtenir son BPJEPS (diplôme d’état d’enseignement de la voile) malgré tous les obstacles auxquels il a été confronté, en raison de son infirmité motrice cérébrale. Pour Ange, habitué aux navigations en solitaire, le raid Liberty n’est pas vraiment un défi, à part peut-être sur le plan de l’endurance, mais sa participation est un plus. Je suis heureux de partager l’aventure avec lui. D’ailleurs, il kiffe aussi, et notre complicité n’en est que renforcée.

J’ai mis toutes les chances de mon côté, pour que ce soit une réussite et surtout du plaisir. Nous avons choisi une bonne fenêtre météo. Et surtout, grâce notamment à mes deux « complices » de l’équipe SARA, Mathieu Simonnet et Marine Clogenson, je dispose des outils qui me permettront de réaliser ce magnifique projet.

SARA Sail And Race Audioguide, mon application « fétiche »

Avec Mathieu, au sein de l’association Orion, voilà 8 ans maintenant que nous travaillons au développement de cette application extraordinaire. C’est elle qui me permet de me situer à tout moment sur le lac. La veille du départ, lorsque tout était décidé, avec Marine et Gillou, nous avons créé la route de mon défi en voile à l’aveugle dans l’application SARA.

La route comprend les 3 étapes. C’est une suite de points de route que je vais rejoindre successivement, situés à proximité des caps afin de bien les passer, mais pas trop loin non plus pour ne pas allonger le chemin à parcourir.
– Au départ de Sciez, nous allons rejoindre et passer la pointe d’Yvoire, puis longer la côte française en direction de Genève, jusqu’à Hermance, puis traverser le petit lac, longer la côte suisse, et rejoindre Prangins, but de notre première étape. Nous tenons à y faire un stop car c’est le lieu de résidence de nos amis de Handivoile Suisse, avec qui nous travaillons régulièrement, pour les aider à développer la pratique de la voile pour les personnes déficientes visuelles en Suisse.
– Le deuxième jour, c’est l’étape la plus longue, elle nous conduit à Morges, puis nous traversons à nouveau le lac, mais cette fois-ci sur sa largeur la plus importante, pour rejoindre la France et Evian terme de notre deuxième étape.
– Le samedi, dernier jour du périple, l’étape est plus courte, entre Evian et Sciez via Thonon-les-bains. Et pourtant, c’est à coup sûr la plus difficile ! Samedi matin, au sortir du port d’Évian, force est de constater que la météo est plus « costaud » que prévu. Devant la pointe de Ripaille, le vent forcit encore. Nous prenons 25 nœuds, et des creux d’un mètre cinquante. Pour couronner le tout, nous avons le vent dans le nez, il faut tirer des bords de près … c’est sportif, et ça double le chemin à parcourir. Avec Ange, nous bataillons et après 2 heures à être bien chahutés, passons cette fichue pointe. La fin de l’étape sera plus simple à gérer, et c’est bien fatigués et humides mais tellement heureux que vers 16h nous amarrons nos Liberty au ponton de la base nautique de Sciez, accueillis par les amis venus nous féliciter.

Pendant ces 3 jours, SARA ma « coéquipière » préférée, a été tout simplement parfaite. À tout moment, SARA m’a donné vocalement et automatiquement, sans que je n’aie besoin de toucher à quoi que ce soit, les informations relatives à mon prochain point de route, sa distance et son gisement. Par exemple : pointe de ripaille, 350 mètres, 20 degrés bâbord. En plus de mes points de route, SARA me parlait également de la cartographie environnante, par exemple le nom et la position des bouées d’entrée de port. Ainsi, j’avais l’impression de voir la côte défiler à côté de moi au fur et à mesure de ma progression.

Une ceinture tactile et ses 8 moteurs vibrants

Et la ceinture tactile ! C’était la première fois que nous la testions en « grandeur nature » à l’occasion de ce défi en voile à l’aveugle.

C’est avec Marine qui travaille au sein de la société suisse GraniteApps, que nous la développons. Depuis 5 ans, Marine a rejoint l’équipe SARA, et travaille également sur ce nouveau projet de ceinture. Le principe est simple. Je souhaite disposer des informations d’une girouette comme si je la voyais.

Pour cela, nous avons imaginé et réalisé une ceinture munie de 8 moteurs vibrants répartis tout autour du ventre. Le moteur qui vibre indique la direction d’où vient le vent ! Ainsi, à tout moment, je peux vérifier que les sensations du vent sur mon visage, que j’utilise en permanence et qui reste la base de ma navigation, sont bonnes, que je ne me trompe pas … Ou au contraire, la ceinture attire mon attention si je reçois une vibration qui ne correspond pas à mon ressenti. Je suis peut-être en train de me déconcentrer, de ne pas bien sentir le vent … Dans tous les cas, c’est une aide formidable.

Pour expliquer en 2 mots comment ceci fonctionne, la ceinture est connectée en Bluetooth à une girouette à ultrasons (vendue dans le commerce), et restitue les informations de la girouette via les vibrations. Et le résultat est tout simplement magique ! Ceci a dépassé mes espérances en termes de réactivité et de précision de l’information. Nous allons maintenant diffuser les 10 prototypes que nous avons déjà réalisés dans les bases nautiques qui accueillent un public déficient visuel. Et bien entendu, nous n’allons pas en rester là ! Plein d’autres applications sont envisageables pour cette ceinture non seulement pour d’autres sports, mais aussi dans des domaines de la vie quotidienne tels que le guidage des piétons !

Beaucoup de perspectives donc pour poursuivre nos projets innovants.

Depuis toujours, notre philosophie est de diffuser gratuitement les outils que nous développons afin que le plus grand nombre puisse en bénéficier. Il nous est donc nécessaire pour poursuivre ces beaux projets de trouver de nouveaux sponsors. C’est aussi pour cela que nous avons réalisé ce raid Liberty. Nous espérons sincèrement attirer l’attention de mécènes intéressés pour nous aider à travers des dons défiscalisés à Orion ou à la base nautique de Sciez. En tout cas, le sujet de la voile à l’aveugle intéresse vivement les médias qui ont largement relayé cette aventure, à la télé, à la radio et dans la presse écrite. Nous les en remercions vivement.

Pour toutes questions, et si vous souhaitez nous soutenir, n’hésitez donc pas à me contacter directement par mail : [email protected]

À lire aussi : Voile et déficience visuelle : un périple sur le lac Léman pour promouvoir le Cécivoile

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