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À quoi servent les pleurs ? La réflexion et l’analyse de Catherine Sanches

À quoi servent les pleurs ? La réflexion et l'analyse de Catherine Sanches
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« Des mots mouillés » : Dans cette nouvelle chronique, Catherine Sanches, psychologue-gérontologue, se penche sur une question que beaucoup se sont déjà posée : À quoi servent les pleurs ? Pourquoi pleure-t-on ? Est-ce que cela peut apporter quelque chose ? Comment cette manifestation physique est-elle perçue par les personnes qui en sont les témoins ?

Il ne s’agit pas de simplifier. Au contraire, il vaut mieux que les choses restent complexes quand on cherche à parler des pleurs et à comprendre à quoi ils servent. Et c’est à prendre chaque fois au sérieux. Il me semble même nécessaire de se méfier des rapides relations de causalité entre larmes et circonstances. Je ne pleure pas forcément  quand je suis triste, et inversement… Lors d’un deuil, il serait attendu un chagrin, le mouchoir à la main ? Est-ce là un indicateur fiable de ce que nous ressentons ? Ne pleure pas qui veut.

D’ailleurs, y-a-il toujours une logique au fait de pleurer ? Je me souviens de ce monsieur interviewé par la télévision pour raconter le drame qu’il venait de traverser. Il parlait en direct. De manière détaillée et avec un ton posé, il décrivait des faits dramatiques et comment il avait pu craindre pour sa vie. Et, d’un seul coup, j’ai entendu la voix se voiler, les yeux s’humidifier, il s’est excusé et a dit : « Je voudrais remercier mes pairs pour la solidarité… ». Même la journaliste était émue alors qu’elle pouvait aussi se réjouir de cet élan de solidarité, elle ne savait plus comment finir. Tant pis, cette fois-là, j’ai aimé le cafouillage à l’antenne parce qu’il parlait de la vie comme elle va. On ne maîtrise pas tout, n’est-ce pas ?

« On voit mieux certaines choses avec des yeux qui ont pleuré », proverbe ivoirien

C’est comme cela qu’un monsieur m’a confié son désarroi : « Je pensais que j’y arriverai. Je voudrais que rien ne me soit reproché. » Et les larmes sont venues dans le silence de cette confidence. Était-ce utile ? Peut-être ont-elles aidé cet homme à se frayer un chemin vers sa vie psychique, ses émotions… et lui ont permis, en les reconnaissant, un travail d’adaptation. Toujours est-il que ce n’était pas une catastrophe, juste une étape difficile à franchir. Mais à plus de 80 ans, il avait dû entendre bien souvent que les messieurs se doivent de ne pas se montrer ainsi… Et pourtant, « on voit mieux certaines choses avec des yeux qui ont pleuré. » (Proverbe ivoirien)

Si les hommes pleurent, les femmes aussi. Et même les psychologues ! C’est dérangeant, certes. Mais ça prouve qu’on est bien vivant. Et, même avec le recul, je ne suis pas sûre que j’aurais pu vivre autrement ce moment-là. Il s’agit de la première fois que j’ai entendu d’où venaient les pleurs de cette femme. Après avoir parlé de sa condition d’aidante, elle confia : « Rendez-vous compte, je souhaite que mon enfant parte avant moi. » J’ai entendu alors des larmes qui ont suivi comme des mots lourds en émotion. Les mots, dans une langue maternelle, existent-ils pour décrire cette situation insensée et cruelle ?

« Les psy sont des humains »

Suite à cette réflexion, je partage celle formulée par une vieille dame à mon propos : « Sachez Madame, que je ne ferai votre métier pour rien au monde. Faire pleurer les gens ? Non, merci. Je ne sais pas comment vous pouvez garder le moral d’ailleurs. » J’ai dû la rassurer. Primo, les psy sont des humains. Deuzio, comme c’est un métier, ça se travaille. Tercio, on peut traverser les mêmes épreuves et se faire prendre aussi la larme à l’œil.

Dernièrement, au travail, j’ai d’ailleurs pleuré de manière inattendue. C’est arrivé lors d’un échange avec un agent du service des ressources humaines. Je demandais des informations sur l’organisation du congé du proche aidant de manière fractionnée, de manière personnelle. Et la réponse reprenait les démarches pour le congé de solidarité familiale… Vous n’avez pas compris pourquoi les larmes me sont montées au nez plutôt que la moutarde ? Je vous donne un indice. Dans le second cas, l’employé demande à se rendre disponible pour un proche en fin de vie…

En fait, je me trompe. La vraie dernière fois, ce n’est pas celle-là. J’ai dû m’essuyer le visage dans une toute autre circonstance. J’assistais à un concert en compagnie de mon mari. C’était mon cadeau d’anniversaire… D’il y a deux ans. L’événement avait été reporté deux fois pour cause de COVID. Quand j’ai entendu le chanteur entonner une de mes chansons préférées, elles sont venues toutes seules. Des larmes de joie ?

Catherine SANCHES

À quoi servent les pleurs et est-il logique de pleurer ? Des questions auxquelles Catherine Sanches tente de répondre à travers sa chronique © Illustration Apolline Sanches Rodrigues

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