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Ophélie Jonin : une mobilité amputée

Ophelie Jonin debout dans un escalier
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Dans le cadre de la semaine de la mobilité, nous vous proposons un dossier dédié sur notre site du 3 au 7 avril. Dans ce dernier volet, découvrez le témoignage d’Ophélie Jonin qui raconte son vécu en matière d’accessibilité depuis son amputation.

Ophélie Jonin est amputée au-dessus du genou depuis 26 ans, elle travaille aujourd’hui pour une société de conception et fabrication de prothèses. Ophélie a connu toute sorte de situations de mobilité, que ce soit en fauteuil roulant, avec des cannes canadiennes et bien sûr des prothèses, de la plus basique à la plus évoluée. Elle se déplace aujourd’hui avec l’une des prothèses les plus avancées du marché et possède un regard aiguisé sur l’évolution de sa mobilité au cours des vingt-six dernières années. Elle nous fait part de son vécu, de son ressenti et de ses coups de gueule dans une société qui refuse de prendre à bras le corps les difficultés rencontrées par les personnes à mobilité réduite. 

Comment viviez-vous votre mobilité, ne serait-ce que 10 ans en arrière ?  

C’était assez particulier, je me déplaçais soit en fauteuil roulant, soit avec une prothèse mécanique et dès que j’avais besoin de prendre un bus, un train ou tout autre moyen de transport c’était très compliqué pour moi. J’avais souvent recours à un accompagnateur au risque de ne pas pouvoir me déplacer ou même aller en vacances. Cette personne pouvait être une de mes amis mais elle était indispensable. Pour mes amis, cela représentait malgré tout une charge supplémentaire.

Quels sont les inconvénients d’une prothèse lorsqu’on se déplace ?

Il y a bien sûr un certain nombre de difficultés. Si je prends l’exemple de l’avion, monter du tarmac jusqu’à bord par les escaliers mobiles, c’est très difficile et personnellement je n’y arrive qu’au prix d’énormes efforts. Si je peux l’éviter je n’hésite pas. La descente des escaliers avec la nouvelle génération de prothèses s’est cependant nettement améliorée. Au moment de passer les contrôles à l’aéroport je rencontre tous les cas de figure en fonction des douaniers, des contrôleurs et de l’aéroport. Ces personnes ne connaissent rien au handicap et aux appareillages.

Il faut toujours expliquer, montrer, c’est usant et anormal qu’en 2023 nous en soyons toujours là. J’ai aussi un pacemaker, mais même ça ils ne savent même pas ce que c’est. Récemment, j’ai été obligée de me déshabiller pour leur montrer où se situait mon pacemaker, c’en est désespérant. Une autre fois, mes béquilles ont été démontées pour vérifier qu’il n’y avait pas de drogue à l’intérieur. Malgré toute l’électronique de contrôle, les personnes en situation de handicap peuvent se sentir stigmatisées quand elles doivent faire la preuve que leurs aides techniques sont bien utiles et que leur handicap n’est pas un leurre. D’autant plus que ces contrôles se font de manière agressive et sans aucune bienveillance. C’est triste d’en être encore là en 2023 !

Est-ce qu’à l’étranger vous ressentez la même chose concernant la mobilité ?

Non, pas du tout. Dans les autres pays, l’approche du handicap est très différente, à l’exception de la douane étasunienne qui est l’une des plus stricte au monde. Le contact est toujours plus humain et plus respectueux dans la majorité des autres pays. En Allemagne je n’ai pas besoin d’enlever ma prothèse et je n’ai pas de fouille, je fais juste l’objet d’une détection de drogue.

Si vous vous déplacez avec les transports publics, comment ça se passe ?

Je privilégie les taxis bien que je me déplace sur mes jambes. Mais dans tous les cas de figure, j’anticipe beaucoup pour éviter les mauvaises surprises et les longs trajets à pied entre un arrêt de bus, une station de métro et mon point de destination.

Comment ça se passe dans les sites touristiques ?

C’est une fois de plus très délicat, surtout dans les lieux historiques qui regorgent de pavés, d’escaliers usés, de files d’attentes. Je dois encore expliquer à de nombreuses personnes mon impossibilité à effectuer toute la visite et solliciter lorsque cela existe les aides à la mobilité. La communication de ces lieux concernant le handicap est très mauvaise, et je me suis retrouvée à faire de grands trajets pour me casser les dents à la porte d’entrée car rien n’était prévu en matière d’accessibilité.

Le train est un moyen de transport souvent montré du doigt, comment le vivez-vous ?

C’est une fois de plus particulier. À titre personnel, je fais appel au service d’accompagnement « Accès plus ». Mais dans le cadre de mon travail, ça se complique. En effet, sur la plateforme dédiée aux professionnels de la SNCF, il n’est pas prévu de faire voyager une personne avec un handicap et je dois donc faire la réservation adéquate à l’accueil en gare. Cette persistance des aprioris sur le handicap est un vrai problème pour moi, qui me déplace beaucoup pour mon entreprise. Il faut toujours se prendre la tête pour faire valoir des droits qui relèvent du bon sens et de la citoyenneté la plus élémentaire.
 


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